Une manière de contourner les blocages budgétaires à l’Assemblée nationale ? François Bayrou a évoqué dimanche la possibilité de tenir un référendum sur « un plan cohérent, avec des propositions claires, lisibles » visant à réduire les déficits et la dette, dans un entretien au Journal du Dimanche (JDD). « Ce plan d’ensemble […] demandera des efforts à tout le monde, et par l’ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas », prévient le Premier ministre. Mais sa proposition est loin d’avoir enchanté la classe politique. Pourquoi ce référendum paraît-il aujourd’hui improbable ?
Quelle question poser ?
Le gouvernement a indiqué vouloir trouver 40 milliards d’euros d’économies pour respecter ses objectifs de réduction du déficit public de 5,4 % du PIB cette année à 4,6 % l’an prochain. Après les débats houleux du budget 2025, François Bayrou espère trouver un autre moyen pour faire adopter son plan de réduction des dépenses. Mais le référendum laisse pantois les députés interrogés par 20 Minutes. « C’est stupide. On va demander aux Français s’ils veulent ou pas une dette publique ? », raille le député socialiste Laurent Baumel.
Même au sein des alliés du bloc central, on doute que le référendum soit adapté à un sujet aussi dense et complexe que la préparation d’un budget. « C’est une idée farfelue et surprenante. Je ne vois pas le début du commencement d’une question qu’on pourrait poser aux Français. L’outil ne me semble pas adapté… », souffle Eric Pauget, député LR. « C’est une idée saugrenue et contestable. Un budget, ça se discute, ça s’amende. Je ne suis même pas determined que le Conseil constitutionnel laisserait faire », ajoute Eric Coquerel, le président insoumis de la commission des Budget de l’Assemblée nationale.
Personne n’en veut… même pas l’Elysée ?
Cette piste, également rejetée par le Rassemblement nationwide, n’a donc pas du tout convaincu la classe politique, qui y voit plutôt un artifice de communication : « C’est une manière pour Bayrou d’éviter de parler de Bétharram ou de vraies questions budgétaires. Par exemple, est-ce qu’on continue de faire des cadeaux fiscaux aux plus riches ou est-ce qu’on arrête ? », siffle Eric Coquerel. « François Bayrou s’est présenté comme un Premier ministre centriste du compromis entre la gauche et la droite, mais en fait, il ne négocie avec personne. Il veut contourner le Parlement en imaginant que ça lui permette de se relégitimer auprès des Français », regrette Laurent Baumel.
Or, le maire de Pau n’a même pas la most valuable sur le référendum. Pour l’organiser, il devrait compter sur Emmanuel Macron, dont c’est la prérogative. Mais le président de la République n’a pas non plus l’air emballé. « Il est difficile de dire quoi que ce soit tant que ce plan n’est pas présenté », a sobrement commenté un proche du chef de l’Etat à l’AFP.
Un pari toujours très risqué
Un référendum sur les questions budgétaires serait inédit sous la Ve République. Il serait surtout politiquement très risqué pour François Bayrou comme pour Emmanuel Macron, tous les deux au plus bas dans les sondages de popularité. Automobile les détracteurs du référendum aiment rappeler que les Français préfèrent sanctionner l’organiseur du référendum plutôt que de répondre à la question de fond posée. « On aurait pu à la limite l’imaginer dans les six premiers mois d’un mandat. Mais là, on est en fin de quinquennat et l’exécutif est affaibli comme jamais, sans majorité au Parlement… », confesse Eric Pauget.
La France n’a pas organisé de référendum depuis vingt ans et la victoire du « non » sur la ratification du traité établissant une Structure pour l’Europe en 2005. Un électrochoc pour la classe politique qui, depuis, aime parler de référendum tant qu’elle n’a pas à y recourir. Comme cette fois encore avec François Bayrou ? « Ça va faire pschitt cette histoire, poursuit le député LR. Dans deux semaines, on sera passés à autre chose ».