La victoire serait en partie symbolique, mais hautement politique: les députés communistes comptent sur une journée réservée à leurs textes jeudi pour remettre la pression sur le gouvernement concernant l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta).
C’est le nouvel épisode d’un bras de fer entre le Parlement et le gouvernement. Fin mars, les sénateurs communistes avaient surpris en consacrant une partie de leur précieux temps législatif à l’étude d’un texte… du gouvernement.
Grâce à cette manœuvre, ils avaient infligé un revers au Sénat au projet de ratification du Ceta.
Celui-ci est déjà appliqué, même si le texte de ratification végétait dans la navette parlementaire. Les députés du groupe GDR (communistes et ultramarins) voulaient imiter leurs homologues, mais le gouvernement a contre-attaqué en ne transmettant pas le texte à l’Assemblée nationale, repoussant ce qui est d’habitude une formalité.
Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur, avait justifié la manœuvre, expliquant que le Ceta était “instrumentalisé” à l’approche des européennes, et qu’il ne serait pas soumis à l’Assemblée avant fin 2024-début 2025, le temps qu’une mission parlementaire rende un rapport.
“Fusil à deux coups”
Un casus belli pour les députés: “c’est rarissime sous la Ve République”, gronde le président du groupe André Chassaigne auprès de l’AFP. Il dénoncera dans l’hémicycle un “blocage démocratique inacceptable”.
Pour ce faire, il s’appuiera sur une proposition de résolution. Celle-ci, qui a des chances d’être adoptée, n’aura pas de valeur contraignante, mais invitera le gouvernement à “poursuivre la procédure de ratification” en soumettant le texte à l’Assemblée.
Mais le député du Puy-de-Dôme ne s’en tiendra pas à la seule procédure parlementaire. “Nous avons sorti un fusil à deux coups”, résume-t-il.
Le “deuxième” coup consistera à ouvrir le débat sur le fond des accords de libre-échange, en dénonçant un “désastre environnemental” et le risque “d’importation massive de viande bovine” à l’avenir venant aggraver la condition des éleveurs français.
Face à lui, c’est notamment le député Renaissance des Français d’Amérique du Nord (Canada, Etats-Unis) Christopher Weissberg qui défendra l’accord.
“Les règles du Ceta sont plus favorables pour nos agriculteurs et nos viticulteurs que les règles du commerce hors accord. Il va falloir expliquer pourquoi on veut sortir d’un accord qui aide nos agriculteurs plus que les Canadiens”, plaide-t-il.
Il dénonce également les “fantasmes” autour d’un accord qui contient “des clauses de protection de nos normes”.
Sur la résolution qui demande la poursuite de la navette parlementaire, le groupe Renaissance, anticipant un procès en obstruction démocratique, devrait cependant opter, comme d’autres dans le camp présidentiel, pour une abstention stratégique. La question d’un vote “pour” a même été mise sur la table.
Plusieurs victoires possibles
En milieu de “niche”, Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône) va ouvrir un front cher aux communistes en proposant de constitutionnaliser la sécurité sociale, qu’il considère régulièrement victime d’offensives libérales. Son texte avait été rejeté en commission.
Le groupe peut néanmoins viser plusieurs victoires jeudi. Notamment, s’il parvient à la mettre au vote avant la fin des débats à minuit, sur une proposition de loi du secrétaire national du PCF Fabien Roussel pour une meilleure prise en charge des soins liés au cancer du sein.
Le texte, visant à rembourser “l’ensemble des soins”, y compris ceux dits “de support” (prothèses capillaires, renouvellement de prothèses mammaires, etc.) a été adopté en commission, mais un amendement Renaissance a toutefois exclu les dépassements d’honoraires. Des députés LFI et socialistes proposeront de les réintégrer.
Avant cela, plusieurs textes concernant les territoires ultramarins pourraient recueillir un vote favorable, comme celui demandant la création d’une commission d’enquête sur l’indécence et le manque d’accès au logement social, porté par Karine Lebon (Réunion).
Un texte de Frédéric Maillot (Réunion) visant à proposer l’apprentissage des langues et cultures régionales dans les écoles maternelles et élémentaires de ces territoires a également été approuvé en commission.
En ouverture, le député de Martinique Marcellin Nadeau soumettra au vote une résolution pour appeler à ce que les politiques publiques anticipent et concourent davantage à la prévention des risques liés au dérèglement climatique et à la montée des eaux pour les villes côtières.
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