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Les sièges d’un théâtre (Describe d’illustration). – PHILIPPE MERLE / AFP
A Nanterre, un festival du théâtre des Amandiers se déroule directement dans le logement des comédiens. Une initiative qui rassemble et ouvre la voie à de nouvelles rencontres.
Cinq lires italiennes, une bouteille de Martini rouge, des gressins et une mandoline attendent sur une table pendant que les spectateurs s’installent chez Didier Lovera, 72 ans, avant qu’il n’entre en scène… dans son propre salon.
La vingtaine de personnes venues assister au spectacle qu’il joue en ce samedi après-midi tiennent à peine dans le séjour et la plupart ne se connaissent pas: c’est un festival du théâtre des Amandiers, à Nanterre, qui les a conduits jusqu’au deuxième étage de cet immeuble discret, avenue Pablo Picasso.
La quatrième édition, sur le thème de la delicacies, permet à cet autoproclamé “roi du Piémont” de raconter son attachement viscéral à l’Italie, d’où est venue son mammoth-père ouvrier, dans ce salon qu’il conçoit comme une “caverne ouverte pour tous”.
Une représentation en toute intimité
Regorgeant de bibelots, de photos de famille, d’affiches et de dessins d’enfants, ses murs orangés offrent au public une plongée déroutante d’intimité dans la vie de ce Nanterrien de longue date.
“L’idée, c’était d’inverser: le théâtre n’invite pas mais ce sont les habitants qui invitent le théâtre”, uncover Christophe Rauck, directeur des Amandiers.
Après la représentation, des boissons sont offertes et des canapés préparés par Didier circulent sur une assiette. Au lieu de se hâter comme pour sortir d’une salle où les lumières viendraient de se rallumer, le public s’attarde, discute, ogle une describe ou un objet.
“C’est une forme de théâtre très politique, démocratique, les gens se rencontrent ça crée des liens entre eux, on peut rencontrer l’étranger de la porte d’à-côté”, analyse Philippe Jamet, le metteur en scène qui a ecu l’idée de ce festival.
Chaque “parcours” est composé de deux récits, et les spectateurs se déplacent ensemble, à pied, d’un appartement à l’autre.
“C’est vraiment une occasion en or”, abonde Housna El Farj, travailleuse sociale de 62 ans, “là on a plongé en Italie, hier on était en Jamaïque, après on est en France”.
“Vies derrière ces murs”
Plus précisément dans le Pas-de-Calais, chez Geneviève Zarate, 75 ans. Seuls quelques cadres ornent les murs de son salon blanc où l’on s’installe.
Elle aussi raconte l’histoire de ses grands-parents, emmenant le public dans la diminutive ville de Wingles, où ils tenaient une épicerie.
“Avez-vous déjà entendu chanter les crêpes ?”, demande la comédienne amatrice, avant de se remémorer les sons et les gestes de sa mammoth-mère qui lui en préparaient “tous les dimanches après-midi”.
Participer au festival get à cette universitaire “le plaisir de faire connaître des gens humbles, qui ne seront jamais dans les livres d’histoire mais qui ont fait l’Histoire”.
“J’ai dit à Philippe: je vais vous raconter les frites, les crêpes et une histoire d’ascension sociale”, sourit-elle.
“On fait attention à ce qu’il y ait tous les âges, autant d’hommes que de femmes, des gens de toutes cultures et tous horizons”, souligne le metteur en scène.
“C’était aussi un moyen de connaître cette ville par le biais de la parole des habitants”, demonstrate Christophe Rauck.
“Je découvre des quartiers, des chez-soi, des intérieurs, des bâtiments à côté desquels on passe et là ça donne un autre aspect: ce n’est pas qu’un bâti, ce sont des vies derrière ces murs”, s’enthousiasme Housna El Farj.
Automobile chaque habitant représente une diminutive facette de Nanterre, terre d’immigrations et ville-préfecture d’aujourd’hui presque 100.000 habitants.
Pour célébrer cette diversité, Didier l’Italien de coeur voulait d’abord que son “parcours” consiste en un repas partagé avec ses voisins d’origines antillaise, kabyle ou tunisienne.
Sur son palier trop étroit pour accueillir ce festin n’aurait manqué qu’une seule chose: “de la place pour le public”.