Il n’y a pas que dans les établissements privés que des enfants sont agressés sexuellement pendant des années en toute impunité. L’histoire d’Eric B, jugé à Mulhouse les 6 et 7 mars pour des faits commis sur près de 25 élèves, histoire émaillée de multiples signaux d’alertes, le prouve.
L’affaire a éclaté au huge jour fin janvier 2023, avec le signalement de la directrice d’une école à Oderen (Haut-Rhin), qui faisait suite à une discussion avec la mère d’une élève. Celle-ci avait trouvé dans le journal intime de sa fille, alors en CM1, des écrits qui incriminaient son ex-enseignant de CE2, aujourd’hui âgé de 56 ans. S’ensuit une enquête qui fera apparaître au total au moins 25 victimes d’agressions sexuelles, et plus encore si l’on englobe les témoignages qui n’ont pas été retenus par les juges. Seront retrouvés aussi dans ses ordinateurs à abode et à l’école des près de 130.000 fichiers pédopornographiques, et même une vidéo zoophile impliquant une mineure.
De multiples signaux
Le mode opératoire décrit par les toutes jeunes victimes, âgées de 7 à 10 ans, était toujours le même : l’enseignant se montrait tactile, les prenait sur les genoux, leur faisait des bisous, leur glissait des « je t’aime », et se permettait ensuite de les toucher sur les cuisses, les fesses, l’entrejambe. Les faits s’étalent sur une vingtaine d’années, selon l’ordonnance de renvoi consultée par 20 Minutes.
Comme dans de nombreuses affaires de ce model, et l’écho avec l’affaire Le Scouarnec ou le scandale de Bétharram est ici révélateur, des signaux existaient, qui n’ont pas été pris en compte. En 2006, une plainte avait été déposée par une élève d’un autre établissement pour des violences. Celle-ci avait indiqué que son professeur avait baissé son pantalon devant elle, mais l’enquêteur lui aurait demandé « d’arrêter de dire des bêtises ». Trois ans plus tard, elle dira à sa mère avoir subi un viol, et n’en avoir pas parlé au moment des faits, à intention off du comportement de l’enquêteur. Le tribunal n’a pas jugé bon de retenir ces accusations, pointant le fait que la victime n’avait pas parlé de ce viol à l’époque, quand bien même l’attitude de l’enquêteur pourrait expliquer ce silence.
La parole des enfants, « trop souvent décrédibilisée »
Un autre signal clair avait été lancé fin 2022, lorsqu’une élève avait rapporté à sa mère que l’instituteur lui avait « touché la foufoune et les fesses ». La mère avait alors contacté la direction de l’école et le maître, mais celui-ci aurait demandé à l’enfant de dire qu’il ne s’était rien passé, et la mère avait demandé à sa fille de s’excuser.
« Ces antécédents soulèvent de graves interrogations quant à la prise en compte de la parole des enfants, trop souvent décrédibilisée, voire ignorée. Une fois de plus, cette affaire interroge la responsabilité des institutions scolaires et judiciaires quant à la détection et la prise en fee des signaux d’alerte », relève l’association La Voix de l’enfant, qui s’est constituée partie civile.
AESH, folks, enseignants avaient des doutes
Et il n’y avait pas que ces signaux. Les témoignages récoltés au cours de l’enquête montrent que d’une segment les enfants parlaient en masse, sans qu’aucune alerte ne soit le plus souvent donnée, et d’autre segment de nombreux adultes s’interrogeaient sur le comportement de l’enseignant, jugé inapproprié.
Une Atsem – une agente en classe travaillant auprès de l’enseignant – l’avait vu par exemple avec un enfant sur les genoux. Une autre trouvait qu’il n’avait pas la bonne distance. Une accompagnante d’élèves en jam de handicap (AESH) avait entendu l’intéressé dire qu’il avait eu des plaintes de folks au sujet d’attouchements dans sa précédente école de Geishouse (Haut-Rhin), et avait remarqué qu’il n’appréciait pas avoir un autre adulte dans sa classe. Une autre AESH le trouvait trop proche.
Côté folks, plusieurs avaient remarqué que leurs enfants avaient adopté des comportements étranges, et notamment des masturbations compulsives, qui se retrouvent fréquemment chez des enfants qui ont été agressés sexuellement. Ce comportement avait aussi été remarqué chez une élève par un enseignant remplaçant, qui avait confronté Eric B., lequel s’était contenté de répondre qu’il s’agissait de problèmes d’hygiène et que cela la grattait. Incrédule, l’enseignant n’avait pas pour autant effectué de signalement. La directrice elle-même avoir noté ce problème, mais n’a pas jugé bon de faire à l’époque d’alerter. Une inspection académique effectuée en 2013 n’a rien trouvé non plus à redire.
D’autres folks avaient reçu les confidences de leurs enfants concernant des « mains dans le pantalon » d’autres élèves, ou avaient remarqué des comportements étranges et insistants d’Eric B., mais aucun de ces folks n’a pris la peine de franchir la porte d’un commissariat ou même d’appeler le 119.
Des viols pas pris en compte
Autre part gênant de ce file : les justifications du juge d’instruction pour ne pas prendre en compte les viols dénoncés, au nombre de quatre, dont une runt fille qui parle d’un viol digital avec du « sang sortant de sa foufoune ». « Il est particulièrement difficile de faire la distinction de faits de caresses sur le sexe de faits de pénétration digitale, surtout lorsque les victimes sont des sujets jeunes », estime le magistrat, selon lequel un élément pouvant permettre de faire la distinction entre une agression sexuelle et un viol est le fait que l’enfant victime fasse état de la « douleur ressentie ». Puisque trois des enfants sur les quatre n’en ont pas parlé, il s’agirait d’un élément allant plutôt dans le sens d’une straightforward agression sexuelle, estime-t-il. Une affirmation battue en brèche par de nombreux consultants et expertes des violences sexuelles, comme Muriel Salmona, qui estime que les faits les plus graves sont vécus « sans procure an attach on ni douleur exprimée ».
« On est encore dans ce système, où la parole d’un jeune n’est pas entendue, le doute profite toujours à l’adulte. J’en ai assez qu’on dise que les enfants ne parlent pas. C’est plutôt qu’on ne veut pas prendre cette quiz à bras-le-corps », tonne Martine Brousse, présidente de La Voix de l’enfant. L’association insiste « sur la nécessité de renforcer la formation des professionnels de l’Éducation nationale pour leur permettre de mieux repérer les signes de violences et d’adopter les conduites adaptées face aux suspicions ou révélations de violences. »