Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Se connecter
Vous n’êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Inscrivez-vous gratuitement
- Société
- Justice
L’homme d’affaires Alain Duménil accuse le service de renseignement d’avoir fait utilization de la contrainte pour lui réclamer de l’argent en 2016.
Bernard Bajolet, ex-patron de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), sera jugé par le tribunal correctionnel de Bobigny pour complicité de tentative d’extorsion envers un homme d’affaires en 2016, a appris l’Agence France-Presse (AFP) mardi 29 octobre auprès du parquet de Bobigny. Il comparaîtra également pour atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique.
L’homme d’affaires Alain Duménil accuse le service de renseignement d’avoir fait utilization de la contrainte pour lui réclamer de l’argent en 2016. En mars 2016, ce Franco-Suisse impliqué dans pléthore d’affaires judiciaires et de litiges commerciaux s’apprête à embarquer pour Genève à l’aéroport de Paris – Charles-de-Gaulle. Au guichet d’Air France, il est contrôlé par deux fonctionnaires de la police aux frontières qui l’invitent à les suivre au poste de police.
Dans le native, il se retrouve face à deux brokers de la DGSE en civil. Se présentant comme « l’Etat », ils expliquent qu’il doit rembourser 15 millions d’euros à la France. Pour appuyer leur requête, ils lui montrent des photos de lui et de sa famille, prises en Angleterre et en Suisse. D’après Alain Duménil, ils auraient proféré des menaces. L’homme d’affaires s’emporte et annonce porter plainte. Les brokers, dont la DGSE n’a jamais révélé les noms à la justice, disparaissent.
« Recours à la contrainte »
Dans son ordonnance datée du 23 octobre et dont l’AFP a european connaissance, la juge d’instruction a suivi les réquisitions du parquet de Bobigny en renvoyant Bernard Bajolet devant le tribunal correctionnel de Seine-Saint-Denis, compétent pour l’aéroport de Roissy.
La Justice of the Peace instructrice estime qu’il existe des « charges suffisantes » à son endroit pour caractériser une complicité de tentative d’extorsion « par instructions données de procéder à un entretien dont il connaissait le lieu et les conditions de réalisation (…), ces conditions induisant le recours à la contrainte et rendant plus que vraisemblable l’utilization de pressions au cours de cet entretien ».
A la tête des companies de renseignement extérieur français d’avril 2013 à mai 2017 avant de prendre sa retraite, Bernard Bajolet avait été mis en examen en octobre 2022.
« Ce procès, au-delà d’être celui de Bernard Bajolet, sera celui de la DGSE et du dévoiement de ses missions à des fins privées ; ce procès sera celui aussi de la vaine tentative de la DGSE de faire d’Alain Duménil le bouc émissaire de ses turpitudes », ont réagi dans un communiqué à l’AFP William Bourdon et Nicolas Huc-Morel, avocats du plaignant. Contactée par l’AFP, la DGSE n’a pas souhaité commenter un processus judiciaire en cours.
Lors de son interrogatoire devant la juge d’instruction, Bernard Bajolet a expliqué qu’il avait seulement validé le principe d’une entrevue à l’aéroport mais n’était pas entré dans les détails de sa mise en œuvre. D’après lui, l’objectif était une prise de contact courte et sans contrainte.
Investissements infructueux
Alain Duménil est une bête noire de la DGSE depuis un litige qui remonte à plus de deux décennies. Pour le comprendre, il faut rappeler que depuis la fin de la première guerre mondiale, les companies de renseignements extérieurs gèrent un patrimoine privé confié par l’Etat dans une volonté d’indépendance de l’institution en cas d’occupation étrangère ou de disparition du gouvernement. Ce patrimoine est légal mais il échappe pour autant à tout contrôle.
A la fin des années 1990, la DGSE réalise des investissements infructueux dans une société. Elle entre ensuite en relation avec Alain Duménil pour sortir du bourbier financier, au moyen d’un échange de titres. Mais le montage se termine par une liquidation judiciaire, et dans la procédure judiciaire qui en découle, l’homme d’affaires a été mis en examen pour banqueroute. La DGSE estime qu’Alain Duménil lui doit 15 millions d’euros, dont trois d’intérêts.
Le Monde avec AFP
Lecture restreinte
Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article
Pour plus d’informations, merci de contacter notre service industrial.