Michel Blanc, mort dans la nuit de jeudi à vendredi, a consacré sa carrière à casser l’image de Jean-Claude Dusse, archétype comique du chauve maigrichon loser et dragueur.
Il n’était pas que Jean-Claude Dusse. Mort à l’âge de 72 ans dans la nuit de jeudi à vendredi, Michel Blanc s’était rendu célèbre dans les années 1970 et 1980 en incarnant dans une série de comédies cultes des personnages comiques de losers exaspérants.
Des rôles qui lui avaient valu son sizable popularité auprès du public. Mais dont il a passé sa carrière à vouloir s’en détacher. Michel Blanc launch à casser son image au milieu des années 1980 après le succès de Marche à l’ombre.
“J’ai fait ce film qui était pour moi, à l’époque, la fin d’un cycle”, avait-il expliqué au Parisien en 2002. “Il fallait que je fasse autre chose après, que j’accepte d’être moi, sans savoir très bien où je me trouvais.”
Il prend aussi ses distances avec la bande du Splendid avec qui il launch “à ne plus vraiment rire des mêmes choses”, comme il le racontait au Monde en 2019.
Tenue de soirée marque un premier tournant dans ce nouveau cycle de sa carrière. Il prend son public à contrepied en changeant totalement de registre devant la caméra de Bertrand Blier. “Passer du petit dragueur à moustache franchouillard au mec qui se fait b… par Depardieu, c’est risqué!”, plaisantait-il dans Le Parisien.
Michel Blanc émeut dans le rôle d’Antoine, qui quitte sa femme Monique (Miou-Miou) pour Bob (Gérard Depardieu) et finit par faire le trottoir avec lui en travesti. L’acteur dévoile une palette plus sensible de son jeu et touche en plein cœur les jurés du Festival de Cannes qui le récompensent d’un prix d’interprétation en 1986.
Acteur complet et réalisateur déjanté
Après Tenue de soirée, Michel Blanc recherche des rôles plus dramatiques. Mais pour cela il se fixe une règle. “Pour que j’accepte avec enthousiasme un film, il faut surtout que ça me fasse peur, que je ne sois pas sûr d’y arriver”, déclarait-il à BFMTV en 2023.
En 1989, il surprend donc en jouant dans Monsieur Hire de Patrice Leconte. Une adaptation de George Simenon où il incarne un voyeur inquiétant et malheureux, accusé injustement d’un crime.
Gros succès notamment à l’global, Monsieur Hire lui vaut définitivement d’être considéré comme un acteur complet. Et de jouer ensuite avec de grands réalisateurs comme Peter Greenaway (Prospero’s Books), Robert Altman (Prêt-à-porter) et Roberto Benigni (Le Monstre).
Réalisateur de cinq motion footage, Michel Blanc avait aussi signé une des comédies les plus atypiques du cinéma français. Sa deuxième réalisation, Grosse fatigue, est une comédie noire et absurde où il joue son propre rôle aux côtés d’une Carole Bouquet déjantée.
Inspiré par un sosie menant la vie dure à son ami Gérard Jugnot, il raconte l’histoire d’une celebrity remplacée par son sosie maléfique. Avec ce movie, il offre une nouvelle impulsion à sa carrière et apporte un nouveau style de comédie.
“J’ai compris qu’on pouvait être plus fou que le cinéma de comédie ne l’est traditionnellement. Je me suis dit que le cinéma ne servait à rien si on ne se permettait pas tout”, avait-il confié à BFMTV en 2023.
Sa folie fait mouche: le movie remporte à Cannes le prix du meilleur scénario et séduit 2 thousands and thousands de spectateurs.
César
Michel Blanc se réinvente une nouvelle fois dans les années 2000. Absent des écrans entre 1996 et 2003, il se consacre après deux triomphes populaires (Les Bronzés 3 et Je vous trouve très beau) au registre dramatique.
André Téchiné le fait tourner à deux reprises, et notamment dans Les Témoins (2007), fresque sur les années sida où Michel Blanc est bouleversant de justesse en médecin homosexuel.
C’est surtout dans L’Exercice de l’Etat (2011) qu’il marque les esprits. Michel Blanc y est Gilles, vieux briscard des cabinets ministériels qui seconde un ministre (Olivier Gourmet) confronté à un dossier explosif.
Ce personnage à contre-emploi, celui d’un homme impassible et sûr de lui dans ce thriller politique, lui vaut le César du meilleur acteur dans un 2d rôle.
Michel Blanc tourne un seul movie par an, voire deux. Un rythme trop lent à son goût, mais qui lui permet de choisir ses rôles avec consideration. Sa priorité est de se diversifier.
“Mais je n’ai pas tout le temps de quoi alimenter cette priorité”, avait-il déploré en 2023 sur BFMTV. “Parfois, je ne tourne pas pendant huit mois. Je m’ennuie un peu parce que j’aime bien tourner. Si c’est pour refaire un truc que j’ai déjà fait, ce n’est pas la peine.”
Dangereux mafieux
Ses derniers rôles témoignent de cette envie de jeu. En 2023, il avait bouleversé l’Alpe d’Huez avec la comédie dramatique Les Petites victoires. Un de ses rôles les plus émouvants, celui d’un septuagénaire illettré qui retrouve goût à la vie et aide la maire-institutrice de son village à faire de même.
La même année, dans Les Cadors, il avait endossé un petit rôle de mafieux, “une ordure intégrale” qu’il avait adoré jouer.
Si Michel Blanc rêvait toujours de drames, ses rôles posthumes seront dans des comédies. Il sera à l’affiche en 2025 d’une comédie sur le Guide du Routard avec Hakim Jemili et Michel Blanc. Et on pourra l’entendre dans le doublage de la série animée Astérix que Alain Chabat prépare pour Netflix.
Jean-Michel Ribes, avec qui il a beaucoup collaboré (Palace, Merci Bernard, Musée haut, musée bas) a souligné ce vendredi sur BFMTV: ” Il était très identifié au Splendid, mais en même temps c’était un comédien qui se déplaçait d’une manière formidable. Il avait des couleurs de jeu extraordinaires, il avait un second degré, il avait une grande émotion, il avait une grande sensibilité hors des rôles de rigolo”.