« On ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment », ainsi postulait le cardinal de Retz. En officialisant sa candidature à la présidence du Conseil d’administration du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), dans un courrier récemment adressé aux adhérents et adhérentes, Célestin Tawamba a décidé de quitter sa position équivoque sur les ambitions qu’il peinait plus ou moins mal à dissimuler dès le début du processus de fusion-création entre le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) et Entreprises du Cameroun (Ecam). Ce désir de « pouvoir éternel », que les statuts du défunt Gicam auraient contrarié au terme de son second et dernier mandat, donne raison à ses adversaires qui l’ont vu venir et cache mal les multiples « invitations » – qui feraient écho aux « appels du peuple » – prétendument reçues pour se présenter, comme il l’indique sa lettre.
Depuis la fin du long règne d’André Siaka à la tête du Gicam, qui inaugurait une ère nouvelle au sein du mouvement patronal, en ce qu’elle consacrait l’avènement des scrutins concurrentiels, un cancer ronge systématiquement les élections : le soupçon de manipulation qui les vide de la légitimité nécessaire, et traduit un déficit de sincérité et de transparence dans la démarche. Le scrutin de 2008 avait conduit à un schisme provoquant la création d’Ecam, dont on peut à présent estimer que ses anciens leaders tiennent leur revanche sur le destin, puisqu’ils tiennent désormais les manettes du Gecam.
Ce désir de « pouvoir éternel », que les statuts du défunt Gicam auraient contrarié au terme de son second et dernier mandat, donne raison à ses adversaires qui l’ont vu venir
Cinq ans plus tard, feu André Fotso mit à mal la cohésion du Gicam, y compris de son bureau, par un changement des textes que trahissait son aspiration à un pouvoir perpétuel. Une démarche que son successeur vient de reproduire, à quelques nuances près. Cette volonté de soumettre les règles pour assouvir un appétit irréfragable de pouvoir non refoulé, était encore jusqu’à une date récente l’apanage d’un monde politique dont l’on n’a de cesse de vilipender les travers. Son invasion de la sphère des affaires réduit considérablement les derniers espaces où la vertu est érigée en valeur dans la gouvernance de notre pays.
Cette volonté de soumettre les règles pour assouvir un appétit irréfragable de pouvoir non refoulé, était encore jusqu’à une date récente l’apanage d’un monde politique dont l’on n’a de cesse de vilipender les travers.
Car, en réalité, tous ceux qui hier, claironnaient, clamaient, proclamaient la vertu, se découvrent aujourd’hui des instincts de dictateur, dont les manœuvres défient les lois de la tyrannie. La volubilité avec laquelle ils incendient les dirigeants politiques est prise au dépourvu lorsque se dévoile, à mesure que passe le temps, leurs funestes desseins. L’habile manœuvrier qu’est Célestin Tawamba semble s’être habitué, en si peu de temps, à froisser les objections et orientations du sommet du mouvement patronal, qui l’a porté au pinacle, à mépriser ses camarades créateurs de richesses, au profit de desseins clientélistes et mercantilistes.
A présent que l’on s’achemine inexorablement vers la prochaine consultation, que reste-t-il du rassemblement désiré pour un patronat fort face au secteur public ? Tant le processus d’unification à marche forcée a fissuré les rangs à l’intérieur du Conseil d’administration du Gicam et du comité des sages. Le score à la soviétique obtenu par le « oui à la fusion-création », lors de l’Assemblée générale de décembre dernier, ne peut que servir de cache-sexe à la béance de la fracture provoquée. Un malaise que prolonge la dernière sortie de Protais Ayangma, l’autre protagoniste de la réunification patronale qui, dans une tribune libre appelant au choix de Célestin Tawamba, ne loupe pas l’opportunité de déverser son fiel sur des concurrents qualifiés d’« imposteurs ». Ce qui préjuge d’un climat pour le moins électrique durant la campagne électorale et le jour du scrutin.
Le score à la soviétique obtenu par le « oui à la fusion-création », lors de l’Assemblée générale de décembre dernier, ne peut que servir de cache-sexe à la béance de la fracture provoquée.
Il est pour le moins étonnant que l’antienne de l’absence de dialogue ou de concertation, entonnée sur toutes les tribunes institutionnelles, pour dénoncer l’attitude méprisante et hautaine de l’administration, au point d’exiger la tête du patron de l’administration fiscale dans une lettre retentissante de janvier 2020 adressée au chef de l’Etat, soit reléguée aux calendes bantoues. Pourtant, l’écoute et la discussion dans une ambiance de franche camaraderie aurait permis de faire l’économie de l’image d’un ring de boxe que donne l’environnement actuel.
Il est pour le moins étonnant que l’antienne de l’absence de dialogue ou de concertation, entonnée sur toutes les tribunes institutionnelles, pour dénoncer l’attitude méprisante et hautaine de l’administration, au point d’exiger la tête du patron de l’administration fiscale dans une lettre retentissante de janvier 2020 adressée au chef de l’Etat, soit reléguée aux calendes bantoues.
S’achemine-t-on vers un autre schisme, comme il y a 16 ans, qui serait un pied-de-nez, même symbolique, à l’entreprise d’union souhaitée ? Ou faut-il maintenir un climat aussi délétère, pour tendre la main après coup, comme on s’y était engagé en 2017 en faveur des autres organisations patronales ? Il n’est pas certain que les égos blessés par un caractère hargneux et buté, prêt à enjamber des monceaux de cadavres à n’importe quel prix pour atteindre les objectifs arrêtés d’avance, puissent être sensibles à une probable réconciliation. En cela, l’issue de la prochaine élection, quel que soit le vainqueur, exhalera un fumet d’imposture, de hold-up, et aura fatalement un arrière-goût de victoire à la Pyrrhus.
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