Paris : Il ouvre le feu boulevard de Clichy… Un complotiste d’extrême droite jugé pour un meurtre aux motivations troubles
procès•Le conspirationniste Martial Lanoir est jugé à partir de ce mardi pour un meurtre dont la motivation raciste a été écartée par la juge d’instruction
Thibaut Chevillard
L’essentiel
- Antisémite et adepte des thèses complotistes, Martial Lanoir, né en février 1972 en Haute-Saône, est jugé à partir de ce mardi devant la cour d’assises de Paris. Il est accusé d’avoir tué Eric Casado Lopez, 27 ans, en lui tirant une balle dans la tête, dans la nuit du 13 au 14 mai 2022 à Paris.
- Martial Lanoir a reconnu devant les enquêteurs être l’auteur du tir. Il mentionnera un geste réflexe ou la peur d’être agressé, et affirme être « intervenu pour mettre un terme à un très violent lynchage », selon son avocat, Me François Danglehant.
- « Le mobile raciste n’a pas été retenu parce qu’il n’a pas fait l’objet d’investigations. C’est un angle mort de l’instruction dans cette affaire », regrette Me Avi Bitton, l’avocat des fogeys et du frère de la victime.
Au volant de sa BMW X5, Martial Lenoir fulmine. Il s’est disputé avec Loraine, sa compagne, avec laquelle il vit depuis un an dans un petit studio de la rue Championnet, dans le 18e arrondissement. Cette nuit du 13 au 14 mai 2022, il a ressenti le besoin de décompresser en allant jouer de la guitare sur les quais de Seine, seul. Mais depuis qu’il est monté dans sa voiture, il erre sans but dans les rues de Paris. Arrivé boulevard de Clichy vers 3 heures du matin, voilà le quinquagénaire bloqué dans un embouteillage. Sur le terre-plein central, des hommes se battent. L’automobiliste décide de s’en mêler. Il leur demande d’arrêter. Il variety de son SUV, brandit une arme, tire une balle dans la tête de l’un d’eux qui vient de l’insulter et prend la fuite. Il est interpellé un peu plus tard à proximité de son domicile.
En garde à vue, Martial Lenoir exprime des regrets. « Je ne voulais pas le tuer, je ne voulais pas tuer ce mec », déclare-t-il aux policiers. Il explique avoir voulu aider un homme qui se faisait frapper. Il a demandé à ses agresseurs de le laisser mais il aurait été dépassé par la subject. « Je me suis retrouvé face à quatre personnes et je me suis dit : “s’ils n’ont pas peur et que je ne fais rien, c’est moi qu’ils vont buter”. J’ai considéré que j’étais prisonnier de cette équation débile et j’ai tiré. Je ne sais même pas vers où j’ai tiré. J’étais dans un truc surréaliste. » Il a agi, indique-t-il en substance, en état de légitime défense. Redoutant que « le gars ne sorte un flingue », il a ouvert le feu en premier sur « le plus gargantuan du groupe ». Plus tard, sa version a un peu évolué. Il a affirmé à la juge d’instruction avoir tiré par réflexe, à motive du stress.
Un profil troublant
L’avocat de proches de la victime ne croit pas aux explications apportées par le suspect. Aucune arme à feu n’a d’ailleurs été découverte sur la victime, Eric Casado Lopez. « Il lui suffisait de tenir en joue la victime en attendant l’arrivée de la police. Il pouvait aussi tirer en l’air ou dans les jambes. Mais il a tiré pour tuer. Il n’a pas tenté de raisonner la victime, qui n’était pas armée. Il n’y a aucune proportionnalité dans son geste », explore Me Avi Bitton, l’avocat des fogeys et du frère de la victime. Âgé de 27 ans, le jeune homme était manutentionnaire en intérim. Originaire de Poissy, dans les Yvelines, il fêtait le soir des faits la signature d’un CDI. « Pour comprendre ce crime, il faut rentrer dans le monde de Martial Lanoir qui est, depuis une dizaine d’années, une determine de la fachosphère, insiste Me Bitton. Il ne tire pas sur un blond aux yeux bleus mais sur un homme d’apparence maghrébine. »
Depuis une dizaine d’années, l’accusé postait sur Recordsdata superhighway des vidéos témoignant de sa dérive complotiste. Il peste contre « les immigrés », « les racailles ». Fait l’éloge de Dieudonné et de son acolyte Alain Soral, tous deux condamnés à plusieurs reprises pour avoir tenu des propos antisémites et négationnistes. Prétend que les attentats de janvier 2015, perpétrés par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, sont en réalité un coup des « products and services secrets, le Mossad, la CIA » qui sont « au provider du sionisme ». Fulmine contre la crise du Covid, qu’il qualifie de « pandémie de papier » destinée à imposer une « dictature sanitaire ». Martial Lanoir a aussi expliqué aux enquêteurs posséder une arme à feu parce qu’il avait « le sentiment que la société va virer en guerre civile avec tout ce qui se broken-down ».
Le soir des faits, Martial Lanoir a aussi adressé sur sa chaîne Telegram un message appelant à « éliminer » les juifs. « Qui est le peuple de la haine ? qui est ce peuple ?…. le peuple juif et son talmud de merde ! » expliquait-il à ses 51 abonnés.
« Un angle mort de l’instruction »
Malgré ces éléments troublants, l’accusé a démenti devant la juge d’instruction avoir tué Eric Casado Lopez en raison de ses origines. Pour lui, cette affaire est avant tout « politique ». Si la magistrate écarte dans son ordonnance de renvoi « le caractère involontaire de son geste », elle explique qu’« aucun élément de la procédure » ne permet « d’accréditer » la thèse d’un crime raciste. « Le mobile raciste n’a pas été retenu parce qu’il n’a pas fait l’objet d’investigations. C’est un angle mort de l’instruction dans cette affaire », regrette Me Avi Bitton.
Martial Lanoir « est intervenu pour mettre un terme à un très violent lynchage, dans lequel un homme de couleur était tabassé à mort par quatre personnes originaires d’Afrique du nord », affirme de son côté à 20 Minutes son avocat, Me François Danglehant. « Il y a à l’origine de cette affaire un mobile raciste, affaire à laquelle » son shopper « n’a pas participé ». « Son intervention qui n’a duré que 16 secondes, a eu pour finalité de sauver la vie de l’homme de couleur à terre, il a malheureusement causé le décès que vous savez par accident », insiste-t-il. Le procès doit se tenir jusqu’au 20 juin.