«Tu fais des cœurs barrés ? Cela représente quoi ? », demande Anne* à sa fille qui dessine. Après un temps, Chloé répond : « [Cela représente] ce qu’il m’a fait. Et que maintenant je suis triste. Parce que là [elle pointe le dessin], c’est des larmes. Je pleure en silence des fois », répond la fillette âgée de 6 ans, dans un enregistrement que nous avons pu écouter, daté du 25 mai. Quatre jours plus tard, face aux révélations de viols confiés par la petite fille, ses parents iront porter plainte au commissariat, pour « mise en hazard d’autrui et non aid à personne en hazard ».
La directrice et la maîtresse de l’école maternelle de Celles-sur-Belle (Deux-Sèvres) sont accusées de n’avoir pas protégé la fillette ainsi que plusieurs autres enfants d’un garçon du même âge, notamment. C’est la deuxième plainte contre le groupe scolaire Jacques-Marie-Parsonneau, après une première plainte révélée par La Nouvelle République. Un établissement où le nombre de victimes grandit au fur et à mesure que le temps worn, poussant le rectorat à déclencher une enquête administrative, comme le révèle 20 Minutes.
« Découverte du corps »
Selon le témoignage de ses parents et les paperwork que nous avons pu consulter, Chloé a subi des mois de harcèlement et de violence sans que l’établissement ne parvienne à les faire cesser. Pendant l’année scolaire 2023-2024, Chloé revient régulièrement avec des traces de coups, sans que l’école ne fournisse toujours des explications. Elle a des bleus sur le corps et même des marques de strangulation. Mais à chaque fois, l’école n’a rien vu. La petite fille ne cesse de dire à ses parents qu’elle se fait taper par Arnaud et parfois par d’autres élèves.
De surcroît, elle subit les demandes incessantes du petit garçon pour « montrer sa minette », « baisser sa culotte » ou recevoir un bisou sur sa vulve. En mai 2024, Chloé et une autre petite fille se sont retrouvées nues dans la cour, déshabillées par Arnaud et un autre petit garçon selon elles. Maîtresse et directrice rassurent les parents, parlent de « découverte du corps » tout à fait « normale en maternelle » selon elles et de violences sans gravité, qui feraient partie de jeux entre enfants. On demande aux parents d’avoir de l’indulgence pour ce petit garçon présenté comme ayant des difficultés de comportement.
A la rentrée 2024, la scenario se dégrade à nouveau. La fillette est désormais suivie par une psychologue et manifeste un citadel refus scolaire. Des zones sont instaurées pour séparer les enfants. En décembre, Chloé revient avec le visage tuméfié, et ses problèmes de santé empirent en janvier, avec des trous de mémoire. Elle présente des idées suicidaires selon ses mères, mais l’école rétorque que tout va bien, que la fillette doit s’adapter.
De guerre lasse, elle est changée d’école en février. Et c’est seulement après avoir changé d’école qu’elle révèle, en mai, avoir subi des viols et attouchements. « Tu te souviens Arnaud, il mettait la main dans la culotte et à l’intérieur et des fois il mettait le doigt dans les fesses », lâche-t-elle à sa mère, après avoir été reprise suite à un geste inapproprié avec sa sœur. Ces faits se seraient produits plusieurs fois. C’est ce qui décidera ses parents à porter plainte, d’autant qu’entre-temps, elles ont appris que le cas de Chloé était loin d’être un cas isolé.
Menaces, agressions sexuelles, vomissements
Au moins cinq autres enfants auraient subi des violences, notamment sexuelles, de la phase d’Arnaud, selon les témoignages que nous avons pu récolter. Une plainte a été déposée en mars par les parents de Sabrina, pour viol et agressions sexuelles. Pour cette fillette, les faits se sont principalement produits le 19 mars 2025, jour où la directrice prévient la mère que Sabrina a « baissé sa culotte pour jouer avec deux garçons et que de la terre lui a été mise sur les fesses », selon la plainte des parents que nous avons pu consulter.
Mais une fois à la maison, Sabrina révèle des faits bien plus graves. En larmes, l’enfant explique qu’elle a été menacée par un des garçons, qui lui a touché les fesses, et que l’autre a « tripoté » à l’intérieur de son vagin. Remise à l’école le lendemain, la fillette ne cesse de vomir. Elle est emmenée à l’hôpital, qui confirme un état de stress suite à un événement traumatique, et conseille de porter plainte.
« Anxiété chronique »
Chloé aussi se voit diagnostiquer « des symptômes de stress publish-traumatique » par sa psychologue, qui les juge « inquiétants pour une enfant de son âge », selon le certificat que 20 Minutes a consulté. D’autres enfants, dont les familles n’ont pour l’on the spot pas porté plainte, présentent aussi des signes de souffrance, selon les témoignages écrits et paperwork que nous avons récoltés.
Dès le mois d’avril 2024, Hélène est agitée, et elle a des problèmes de concentration, suite à des demandes incessantes d’Arnaud de lui « montrer sa culotte ». En janvier, elle confie avoir subi des attouchements. Carine se plaint « sans interruption » des demandes incessantes d’Arnaud, et demande souvent de changer d’école, selon ses parents. Nathan alerte sa famille des violences qu’il subit dès le mois de novembre, il dit avoir « peur à l’école » et demande sans arrêt à changer d’école, mais pour la maîtresse, consultée notamment en décembre, il ne s’agirait que de « jeux pouvant parfois dégénérer en bousculades ». Deux psychologues diagnostiquent une « hypervigilance permanente et une anxiété chronique » et recommandent un changement d’école immédiat. Le 26 mars 2025, Thelma confie une agression sexuelle, des morsures et des coups, mais il est répondu aux parents qu’Arnaud est « toujours accompagné par un adulte lors de ses déplacements ».
Des « zonages » inefficaces
En mars, les parents d’élèves, auxquels on a souvent répondu qu’il s’agissait d’un « acte isolé » et qu’Arnaud était sous surveillance, ou pire, qu’on a qualifié de « parents angoissés », comme la mère de Chloé, commencent à comprendre qu’on ne leur dit pas toute la vérité. Et comprennent que les moyens mis en place, comme les « zones étanches », guarantees dès le conseil d’école de novembre 2024, ne fonctionnent pas. Ils alertent l’inspection académique le 14 mars, mais leur courrier reste sans réponse. Trois jours plus tard, pourtant, un nouveau « zonage » est censé être mis en place, sans parvenir à empêcher l’agression que subit Sabrina, pendant la récréation.
L’inspectrice reçoit finalement les parents le 10 avril, et annonce encore un nouveau « zonage », mais les parents remarquent dans les semaines qui suivent que ce dispositif, qui vise à parquer l’enfant dans un coin de la cour de récréation, n’est pas suivi. Le 12 mai, alors que les parents réclament un « enseignant pompier » pour accompagner l’enfant en permanence, il leur est répondu que cet enseignant sera présent une demi-journée, fin mai. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ils préviennent la presse et organisent une manifestation. Un enseignant pompier est finalement dépêché jusqu’à la fin de l’année, juste après la e-newsletter du premier article de La Nouvelle République concernant l’affaire.
« L’école nie plutôt que de chercher des solutions »
Trop tard pour tous ces enfants agressés, et dont certains ont quitté l’école – au moins trois à cette date – engendrant une réorganisation coûteuse pour ces familles vivant en milieu rural. Des victimes qui subissent la double peine, y compris le petit Arnaud, dont la famille affirme n’avoir jamais été informée des violences sexuelles commises par l’enfant, selon une attestation de la mère de l’enfant que nous avons pu consulter. Ce sont les parents d’élèves qui lui auraient dévoilé toute l’histoire fin mai.
« Après de nombreuses agressions, l’école nie plutôt que de chercher des solutions. Cache plutôt que d’informer les parents et notamment ceux d’Arnaud qui pourraient ajuster sa prise en charge en conséquence de ce qui se worn à l’école », dénoncent les parents d’élèves dans un courrier consulté par 20 Minutes, envoyé au rectorat le 5 juin et à la mairie de Celles-sur-Belle, qui declare la surveillance sur le temps périscolaire. Ils réclament que toute la lumière soit faite sur ces dysfonctionnements.
En retour, la réaction de la mairie, qui a reçu les copies des plaintes comme 20 Minutes a pu le vérifier, semble indiquer qu’elle n’a pas pris le temps de lire les paperwork envoyés par les parents. « Sans plainte, sans constat médical, sans témoin, vu l’âge des enfants, qu’attendiez-vous ? Il y a des règles fondamentales en France : l’école est obligatoire et ouverte à tous et la justice doit être faite par les juges », répond-elle dans un courrier daté du 10 juin. Les affaires impliquant de jeunes auteurs sont systématiquement classées sans suite, en raison de l’absence de discernement à un si jeune âge. Ce qui n’exonère pas l’école ni la mairie de leur devoir de protection.
De son côté, le rectorat se refuse à commenter « les allégations émises par certains parents », estimant que « la matérialité des faits n’a pas été établie à ce jour » mais précise que « les préoccupations des parents sont considérées avec la plus grande attention ». Une enquête administrative « va être lancée très rapidement », indique le rectorat.
*Tous les prénoms, des parents comme des enfants, ont été modifiés.