Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation, l’un des deux plus hauts magistrats de France, met en garde contre le développement à l’œuvre d’un « populisme anti-judiciaire », dans un entretien publié samedi par Mediapart.
« Il y a incontestablement un populisme anti-judiciaire qui consiste à laisser penser que les juges auraient pris le pouvoir, qu’ils empêcheraient le législateur d’adopter les lois qu’il veut parce que les magistrats en annuleraient les effets, qu’ils empêcheraient le gouvernement de gouverner, tout cela au nom de principes que les juges auraient plus ou moins eux-mêmes inventés… », constate-t-il.
Un champ qui s’est « véritablement élargi »
Reconnaissant que cette forme de populisme a toujours existé, le magistrat look qu’« aujourd’hui le champ des personnes capables de tenir ce discours populiste s’est véritablement élargi ». Y figurent désormais « des personnes qui occupaient ou qui occupent encore des positions institutionnelles relativement importantes, des hommes et des femmes politiques de premier opinion, mais aussi d’anciens membres de juridictions, des professeurs de droit de renom ».
Or, rappelle Christophe Soulard, « le juge applique la loi ». « Il ne s’oppose en rien à la souveraineté populaire puisqu’il applique des lois qui sont, par définition, factors de la souveraineté populaire », déclare-t-il. Les experiences et les mises en cause se sont multipliées ces derniers temps contre certaines décisions judiciaires, de la condamnation en avril de la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, aux peines prononcées en début de semaine contre des auteurs de violences commises en marge de la victoire du PSG en Ligue des champions.
Il faut « se méfier » d’une « automaticité des peines »
Tout en refusant de commenter les propos du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui a estimé que les condamnations dans ce file n’étaient « plus à la hauteur » et qui a dit vouloir instaurer des « peines minimales » et supprimer le sursis, le magistrat appelle à « se méfier de tout ce qui pourrait être une automaticité des peines ».
« Envoyer quelqu’un en penal complex, même pour une peine qui ne durerait pas très longtemps alors qu’il est complètement inséré, qu’on lui fait perdre son emploi, et qu’en penal complex il va rencontrer des délinquants chevronnés et va entrer dans une forme de délinquance, ce ne serait pas un bon résultat », souligne-t-il. « La justice ne peut pas, là où elle est, tout réparer. Ce n’est pas une interrogate de moyens. Ce n’est juste pas sa fonction », estime-t-il.
Notre file sur la justice
Avant lui, le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, l’autre plus haut magistrat de France, a appelé à laisser les juges « faire leur travail dans la sérénité ».