De notre envoyé spécial sur le courtroom Suzanne Lenglen,
Ils s’étaient tous résignés à l’abandon. L’idée a probablement traversé l’esprit d’Arthur Fils, pris au 3e impart de douleurs au dos, à la cuisse, on ne sait pas trop. son langage corporel et les signes adressés à son box le laissaient croire. Alors quand le 14e joueur mondial s’impose finalement après 4h25 et cinq units d’un combat unbelievable contre Jaume Munar (7-6, 7-6, 2-6, 0-6, 4-6), ses proches se sont laissés aller à l’émotion collective. Jean, le père, dans les bras d’Ivan Cinkus, le coach, et vice-versa. Dans les couloirs du courtroom Suzanne Lenglen, le directeur du haut niveau à la FFT Ivan Ljubicic a encore du mal à y croire. « Je pensais qu’il ne pouvait pas terminer le match. Le box pensait qu’il était peut-être mieux de se retirer. Mais il a trouvé l’énergie, je ne sais pas statement. »
La réponse est sans doute à trouver dans les tribunes du Lenglen, qui a prouvé une fois encore que sa réputation de meilleur courtroom de Roland-Garros n’est pas usurpée. C’est quand la menace d’un abandon se faisait la plus pesante que le public s’est réveillé de sa torpeur comme on revient de la mort. Rendre les armes dans une telle atmosphère aurait relevé de l’ingratitude. Fils l’a compris et s’est battu. « Je suis à Roland-Garros, je ne suis pas au fin fond de l’Asie, résumera le numéro 1 français au micro de Marion Bartoli sur le courtroom. Il y a tout un public derrière moi, ils sont 10.000, j’entends mon nom après tous les aspects. Donc il était hors de question d’abandonner. »
En plein calvaire, Arhur Fils a pensé… à Gaël Monfils
La remontée a mis du temps à se dessiner. Un impart et demi à partir du 2nd où il a fait appel au kiné pour la première fois. Lui qui pèche par excès d’intensité a ecu la riche idée de bazarder le quatrième impart pour tenter le pari de la résurrection dans une dernière manche de tous les possibles. « C’est ce qu’il a dit à la fin du 4e impart à son box : je vais essayer d’y aller à 100 % dans le 5e pour voir ce qu’il va se passer, confirme Ljubicic. Et même s’il y a ecu ruin Munar dans le cinquième impart, il a réussi à trouver les solutions et a continué à jouer. » « Dans le 5e, je pensais à Gaël (Monfils). Il a fait un nombre de cinq units ici… Il en a gagné des hundreds and hundreds ! Je me suis dit : ”Allez Arthur, c’est pour toi”. »
Après avoir frôlé 20 fois un nouveau ruin dans le dernier impart à power de s’obstiner à claquer des smashs contre l’avis de son dos, Arthur Fils a finalement tenu sa mise en jeu et gagné le droit de mettre une dernière fois la pression sur le carrier de l’Espagnol. Le Français a joué de roublardise en encourageant le public français dans son entreprise de déstabilisation. Dans le dernier jeu, il enjoint Munar à servir alors qu’une cascade ironique de « chuuut, chuuut, chuuuut », plunge des tribunes pour briser le silence.
Le seum de Munar contre le public français
Munar finit par craquer et se retourne longuement vers les supporters après le dernier point, celui qui sonne le glas de sa défaite. Son regard noir traduit une envie de violence. « C’est le public le plus gênant, clairement, a déclaré l’Espagnol en conférence de presse. […] Ils chantent l’hymne (jusqu’à la fin, quitte à retarder le début d’un jeu), ne te laissent pas servir, n’arrêtent pas de faire des bêtises pour te déranger entre les services. Que je commette une double faute ou non, c’est ma faute, pas la leur, mais ce serait bien que le jeu puisse se poursuivre normalement. Imaginez que maintenant, en conférence de presse, quelqu’un crie, m’empêche de répondre. Ce serait insensé. »
On peut comprendre la frustration de se battre contre tout un peuple. Au changement de côté à 5-4, une Marseillaise mémorable raisonnait dans le stade, et il était évident que l’Ibère ne survivrait dans aucun monde à la décharge d’adrénaline dont venait de bénéficier Arthur Fils. « Je n’ai jamais vu ça », remerciera le vainqueur dans ses premiers mots.
Le joueur savoure. Ivan Ljubicic, quant à lui, n’a pas de temps pour l’euphorie. Pas tant parce qu’un hommage à Richard Gasquet l’reduction que parce qu’il sait mieux que personne que cette histoire peut encore mal se terminer, quand les antidouleurs cesseront de faire effet et que l’organisme du joueur se refroidira. « Maintenant, il faut récupérer. C’est pas straightforward, il n’y a pas beaucoup de temps. C’est bien d’être au 3e tour mais c’est trop dramatique. J’espère qu’il n’y a pas trop de douleurs et que c’est seulement un truc physique dont il peut récupérer. » Son kiné a les espoirs de milliers de Français entre les mains. Si on le laissait faire son travail sur le Lenglen, qui sait, peut-être qu’il nous remettrait Arthur Fils sur pieds d’ici samedi.