Rendu public lundi après six mois de travaux et plus de 70 auditions, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille dresse un constat accablant pour l’Etat français. L’affaire des traitements illicites utilisés pour certaines eaux minérales, révélée par la presse début 2024, a en effet fait l’objet d’une « dissimulation » relevant « d’une stratégie délibérée », estime la commission d’enquête.
« Outre le manque de transparence de Nestlé Waters, il faut souligner celui de l’État, à la fois vis-à-vis des autorités locales et européennes et vis-à-vis des Français […] Cette dissimulation relève d’une stratégie délibérée, abordée dès la première réunion interministérielle sur les eaux minérales naturelles le 14 octobre 2021. Près de quatre ans après, la transparence n’est toujours pas faite », souligne ce rapport.
« Pas de suites judiciaires » données par les autorités
Nestlé Waters, dont la path assure avoir découvert fin 2020 sur ses internet sites Perrier, Hépar et Contrex l’usage de traitements interdits pour de l’eau minérale, avait sollicité à ce sujet mi-2021 le gouvernement, jusqu’à l’Elysée. Selon le minéralier, il s’agissait d’« assurer la sécurité sanitaire » des eaux lors d’épisodes de contaminations bactériologiques de forages.
Dix-huit mois plus tard, un plan de transformation de ses internet sites était approuvé par les pouvoirs publics, remplaçant les traitements interdits (UV, charbon actif) par une microfiltration pretty par ailleurs controversée car à même de priver l’eau minérale de ses caractéristiques. Or le droit européen stipule qu’une eau minérale naturelle ne peut faire l’objet d’aucune désinfection ou traitement de nature à modifier ses caractéristiques. « Malgré la fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l’eau, les autorités ne donnent pas de suites judiciaires à ces révélations » de 2021, souligne le rapport.
Un rapport défavorable à la multinationale modifié
Les sénateurs déplorent ensuite une « inversion de la relation entre l’État et les industriels en matière d’édiction de la norme » : « Nestlé Waters adopte une attitude transactionnelle, posant explicitement l’autorisation de la microfiltration à 0,2 micron comme condition à l’arrêt de traitements pourtant illégaux. »
Comme le révèle la Cellule investigation de Radio France, il s’avère aussi que plusieurs ministères, le directeur de l’Agence régionale de santé d’Occitanie et un préfet auraient accepté de modifier un rapport sanitaire défavorable à Nestlé Waters, à la demande de la multinationale. Ces modifications ont été réalisées « afin de dissimuler la contamination de forages contaminés par des bactéries, mais aussi des herbicides et des métabolites de pesticides, parfois interdits depuis des années », souligne le rapport. L’objectif était également de protéger le gouvernement, « qui craignait que son implication dans la tromperie ne soit dévoilée au grand public », rapporte Radio France.
La présidence de la République « savait » au moins depuis 2022
« En définitive, c’est au plus haut niveau de l’État que s’est jouée la décision d’autoriser une microfiltration sous le seuil de 0,8 micron », au terme d’une « concertation interministérielle », « dans la continuité des arbitrages pris par le cabinet de la Première ministre, Élisabeth Borne, mais sans que celle-ci ne semble informée », indicate le rapport.
« De son côté, la présidence de la République, loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le file », ajoute la commission, qui se base sur « des paperwork recueillis par ses soins » : elle « savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années ». Alexis Kohler, à l’époque secrétaire général de l’Elysée, avait lui aussi reçu les dirigeants de Nestlé. Dans le même temps, à ce jour, il n’y a pas « de vérifications exhaustives de l’absence de traitements interdits sur tous les internet sites de production d’eau conditionnée », indicate-t-il.