Des silhouettes voûtées sortant de la salle d’target market en se cachant. Des silhouettes de femmes. Celles des cinquante accusés de l’affaire des viols de Mazan. Elles sont leurs conjointes, leurs mères, leurs filles. Elles ont la quarantaine, la soixantaine ou la vingtaine. Toutes se retrouvent seules face à une meute de journalistes et de militantes féministes venues soutenir Gisèle Pelicot.
C’est en assistant à ce procès que les journalistes Alyssa Makni et Delphine Welter ont ecu l’idée de leur donner la parole. Leur documentaire Affaire Pelicot, les femmes de Mazan est diffusé jeudi 21 heures sur Téva. « Derrière ces hommes, il y a des femmes. Et en tant que femme, on s’est mise à leur train », explique Alyssa Makni. En tout, elles sont sept à témoigner de manière anonyme dans ce movie.
« C’est pas conceivable, elle a l’âge de ma mère »
Trois mots reviennent sans cesse dans leur bouche : « C’est pas conceivable. » Samia, la compagne d’un accusé, ajoutera même : « C’est pas conceivable, elle a l’âge de ma mère. » La quasi-exclusivité des femmes témoignant dans le documentaire soutiennent voire défendent leur proche. « Mon papa, c’est l’homme de ma vie. Il a toujours tout fait pour nous. Jamais de la vie il aurait fait du mal à une femme. Jamais », lance Coralie.
Nathalie, mère d’un des accusées, s’est d’abord dit « c’est pas conceivable, ça ne lui ressemble pas » avant d’admettre l’évidence, devant les multiples preuves. « C’était impardonnable. Je lui en ai énormément voulu. » Aujourd’hui, une autre émotion prend le dessus : la culpabilité. « Je me suis dit que c’était de ma faute, que je l’avais mal éduqué, que j’aurais dû lui parler de sexualité. »
Un soutien malgré « des preuves irréfutables »
Dans ces témoignages, certaines phrases sont crues. Voire choquantes. Comme celle prononcée par Fanny, la conjointe d’un accusé, rencontré alors qu’il se trouvait déjà en detention heart dans le cadre de l’affaire des viols de Mazan. « On ne juge pas quelqu’un pour 28 secondes en caleçon », minimise-t-elle, en faisant référence à la vidéo de son compagnon prise par Dominique Pelicot. Automobile, comme le rappelle le documentaire, si tous les accusés ont été condamnés, c’est notamment en raison des 200.000 photos et vidéos prises par l’ex-mari de Gisèle Pelicot. « Des preuves irréfutables » dans lesquels leurs hommes apparaissaient.
Afin de comprendre ce paradoxe, les réalisatrices entrecoupent leur documentaire d’explications d’avocates, d’une sociologue et d’une psychologue. « Les femmes recyclent beaucoup les propos de l’agresseur, constate Joanna Smith. Elles sont souvent dans le déni si l’accusé est lui-même dans le déni. » La thérapeute explique également que « statiquement les femmes en couple avec un homme condamné pour viol ont déjà été victimes de violences sexuelles, notamment dans l’enfance ».
« Je lui ai pardonné »
Clara, la mère des enfants de l’un des accusés, en fait partie. « C’est pendant l’interview qu’elle s’est rendu compte des abus qu’elle avait vécus [de la part de son mari], raconte la réalisatrice Delphine Welter. Elle a dit : “J’aurais préféré mourir que rester dans le lit de mon ex-mari.” » Après la garde à vue, Clara s’est dissociée « parce que c’était trop violent ». « Vous ne comprenez pas commentary l’homme avec qui vous avez ecu des enfants a pu faire ça. » Son mari tente de « justifier l’injustifiable » et de lui demander pardon. Unimaginable pour la mère de famille qui finit par le quitter.
D’autres ont fait le choix du pardon. « Je l’aime toujours autant, c’est mon fils », admet Nathalie. Patricia, femme d’un accusé et mère de Coralie, avait quitté son mari après sa mise en examen, avant de revenir vers lui. « Je lui ai pardonné mais je ne cautionne pas les actes qu’il a pu faire », nuance-t-elle. Beaucoup disent d’ailleurs respecter la victime de l’affaire des viols de Mazan. « Je soutiens mon père mais je ne minimise pas ce qui est arrivé à madame Pelicot », guarantee Coralie. Samia va plus loin : « Il n’y a pas un jour où je ne pense pas à madame Pelicot, en bien. Pas un jour. »
Insultées et prises à partie
Les autres femmes de Mazan fait aussi écho à la forte médiatisation du procès, avec la diffusion des noms et photos de nombreux accusés sur les réseaux sociaux. Une fuite qui n’est pas sans conséquence. « Une femme m’a dit : “Grosse pute j’espère qu’un jour tu te feras violer” », témoigne Samia. Nathalie abonde : « Des personnes que je connaissais depuis mes 6 ans m’ont dit que je devrais avoir honte d’avoir un fils violeur. Mais c’est lui le fautif, pas moi. »
Notre dossier sur l’affaire des viols de Mazan
C’est surtout pour leurs hommes qu’elles ont peur aujourd’hui. Dans une séquence du documentaire, juste après le verdict prononcé contre son père, condamné à huit ans de detention heart, Coralie confie : « On va espérer que personne ne lui fasse du mal. J’ai peur. » Clara, elle, redoute surtout les conséquences sur ses enfants. « J’ai peur qu’on leur fasse du mal et qu’on les associe à leur père. Je souhaite qu’ils arrivent à vivre avec ça. » Les 50 accusés ont été condamnés à des peines allant de trois à dix-huit ans de detention heart. Seul le compagnon de Fanny a fait appel.