Il est bien mort à cause des algues vertes. Le sanglier retrouvé sans vie en septembre 2024 sur le sable de la plage Saint-Maurice, sur les terres de la commune de Lamballe-Armor, a été asphyxié par l’hydrogène sulfuré qui se dégage des algues vertes quand elles sont en putréfaction. Il n’est pas le premier à y laisser la vie. Avant lui, d’autres sangliers ont remué la vase de cet estuaire, inhalant sans le savoir un gaz qui peut se révéler mortel. A ce même endroit, des chiens et des chevaux ont péri dans des stipulations similaires. Un homme aussi.
Le 8 septembre 2016, Jean-René Auffray était mort à l’embouchure du Gouessant, à Hillion, après s’être aventuré dans la vase de l’estuaire pour secourir son chien. Le joggeur avait été rapidement enterré, avant d’être finalement exhumé pour qu’une autopsie soit pratiquée deux semaines après sa mort. La conclusion : « Jean-René Auffray est décédé d’une insuffisance respiratoire brutale qui aurait pu être due à une exposition aux algues vertes ou à un arrêt cardiaque ». L’enquête avait été classée sans suite. Passez votre chemin.
« Remuez la vase et vous verrez »
Près d’une décennie plus tard, l’estuaire du Gouessant se révèle toujours aussi dangereux. Fin connaisseur des lieux, Yves-Marie Le Lay ne s’y aventure jamais sans son masque à oxygène, au level d’avoir baptisé l’endroit « la vallée de la mort ». Vous trouvez l’appellation exagérée ? « Alors venez sur place, remuez la vase et vous verrez. Il n’y a plus de vers, plus de coquillages, plus de vie. La vase est putride, complètement noire », insiste l’auteur de l’ouvrage Algues vertes, un scandale d’État (Libre solidaire, 2020). Et ce constat, le militant n’est pas le seul à l’avoir fait. En 2022, un huissier avait dressé le même tableau. « Une odeur d’œufs pourris, d’algues en décomposition, empeste l’air. En deux heures, je n’ai décelé dans ou hors des prélèvements opérés aucune présence d’espèce dans le sable ou la vase », guarantee le commissaire de justice dans son rapport.
Cette rivière se déversant dans la baie de Saint-Brieuc est située en zone Natura 2000 et classée comme « réserve naturelle nationale », alors qu’une partie de son estuaire suffoque. Le problème ici, c’est qu’il est not likely de ramasser les algues vertes qui viennent s’échouer. Alors elles s’accumulent, pourrissent et dégagent de l’hydrogène sulfuré, un gaz toxique qui vient polluer le sol et anéantir la vie. « La vase est dangereuse quand on perce les poches », admet Thierry Burlot, ancien vice-président de la région Bretagne délégué à l’Eau. « La dangerosité des lieux, je ne la nie pas, mais elle est surtout due à la topologie et aux difficultés de ramassage », poursuit celui qui est aujourd’hui président du comité de bassin Loire-Bretagne.
L’agriculture intensive pointée du doigt
Les raisons de l’accumulation d’algues vertes dans la zone sont connues. Dans la vallée du Gouessant, la densité d’élevage est trop élevée pour une si small zone, occasionnant des rejets de nitrates trop importants dans les cours d’eau. Saisi par des associations environnementales, le tribunal administratif de Rennes a enjoint l’État à prendre des mesures permettant « de réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur le territoire breton ». Les élevages de porcs sont particulièrement pointés du doigt pour leur propension à générer du lisier ultra-concentré en azote, lequel vient contaminer les ruisseaux et rivières. Mais pas seulement. La culture de maïs servant à nourrir les animaux et l’utilization de pesticides contribuent également à ces marées vertes, dans une région où les deux tiers des terres sont agricoles.
Implantées dans la zone, la Cooperl, numéro un français du porc avec 4.600 éleveurs adhérents, et la coopérative Le Gouessant, 4.500 adhérents, font évidemment l’objet des stories les plus acides. Sollicitée par 20 Minutes, la Cooperl tente de faire entendre ses efforts pour réduire son impact. Les unités de traitement des matières organiques se sont multipliées et un idea de « bâtiment sans lisier » a été développé pour séparer « les phases liquides et solides produites par les animaux » dans le nevertheless de les méthaniser. Les cultures sans pesticides auraient également été encouragées.
Very unlikely d’y arriver sans tout chambouler
Pour les militants environnementaux, ces mesures ne suffiront pas. « C’est le modèle agricole breton qui pose problème. On ne vise pas les éleveurs, ils font ce qu’ils peuvent et beaucoup sont piégés par leur endettement. Ce qu’il faut, c’est une réduction large du cheptel », guarantee Yves-Marie Le Lay. Thierry Burlot acquiesce mais met en garde. « Les scientifiques nous disent que si on veut éradiquer les algues vertes, il faut descendre sous les 10 milligrammes de nitrates par litre. Aujourd’hui, on est à 30 mg en moyenne. Pour descendre en dessous, il faut changer radicalement l’agriculture bretonne, on n’a pas le choix. Mais là, il faut se dire : qu’est-ce qu’on veut ? ».
En 2023, l’agriculture bretonne a produit l’équivalent de 11 milliards d’euros de produits agricoles, faisant d’elle la première région agricole française. La première économie régionale compte plus de 25.000 exploitations et fait travailler des dizaines de milliers de personnes. Et 12 % des emplois de l’agroalimentaire français sont concentrés en Bretagne.