Démis de ses fonctions et envoyé en penitentiary. Le maire d’Istanbul, ennemi public numéro 1 du président turc Recep Tayyip Erdogan, a été démis de ses fonctions et placé en détention dimanche pour « corruption ». Un « coup d’Etat politique » selon le parti du maire, le CHP, première pressure d’opposition au président turc. Qui est Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul ? Que lui est-il reproché ? Et commentary réagit-il ? 20 Minutes fait le level.
Qui est Ekrem Imamoglu ?
Régulièrement classé parmi les personnalités politiques préférées des Turcs, Ekrem Imamoglu, 53 ans, est un musulman pratiquant mais membre du CHP, le parti laïc du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk. En ravissant Istanbul en 2019 après 25 années de domination du camp de Recep Tayyip Erdogan sur la ville, et en la conservant haut la main l’an passé malgré les efforts déployés par le chef de l’Etat pour lui faire barrage, Ekrem Imamoglu est devenu l’homme à abattre du président.
Ekrem Imamoglu devait être investi dimanche candidat de son parti à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2028, lors d’une primaire pour laquelle il était seul en lice et qui a mobilisée quinze thousands and thousands d’électeurs turcs. « Sur quinze thousands and thousands de votes, 13.211.000 (non membres du parti) ont exprimé un vote de solidarité » avec l’édile qui devait être investi dimanche comme candidat du parti à la prochaine présidentielle en 2028, a indiqué la municipalité.
Quelques heures avant son arrestation mardi, l’annulation de son diplôme avait déjà dressé un impediment sur sa route, la Constitution turque exigeant que tout candidat à la présidence justifie d’un diplôme d’enseignement supérieur. Le CHP a décidé de maintenir dimanche sa primaire et a appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre portion en espérant transformer cette session en plébiscite.
Que lui reproche la justice ?
Le maire a été arrêté mercredi à l’aube pour « corruption » et « soutien à une organisation terroriste » en raison d’un accord électoral entre son parti et une formation prokurde que les autorités accusent de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé qualifié de terroriste par Ankara.
L’ordonnance de placement en détention provisoire stipule que « le suspect Ekrem Imamoglu est placé en détention pour avoir établi et dirigé une organisation criminelle ; accepté des pots-de-vin ; corruption ; enregistrement illégal de données personnelles et trucage d’appels d’offres ». En revanche, la justice n’a finalement pas retenu sa détention pour « terrorisme », « puisqu’il a déjà été décidé de l’incarcérer pour des crimes financiers ». M. Imamoglu a été conduit dimanche à la penitentiary de Silivri, à l’ouest d’Istanbul, avec plusieurs coaccusés. Il avait auparavant été démis de ses fonctions de maire, selon le ministère turc de l’Intérieur.
La justice n’a cessé ces dernières années de lancer des procédures à l’encontre d’Ekrem Imamoglu. Déjà en 2023, une condamnation à plus de deux ans de penitentiary pour « insulte » aux membres du Haut conseil électoral, dont il a fait appel, l’avait mis hors jeu pour la présidentielle remportée par le président sortant, arrivé au pouvoir en 2003 comme Premier ministre.
Comment a-t-il réagi ?
Le maire d’Istanbul a dénoncé « une exécution sans procès ». « Le processus judiciaire en cours est loin d’être équitable », a-t-il accusé, dans une déclaration transmise par ses avocats, qui ont annoncé faire appel de cette décision. « Je suis debout, je ne plierai jamais », a promis Ekrem Imamoglu dans un message publié sur X, jurant que « tout ira bien » : un slogan qu’il avait fait sien en 2019 après l’annulation de son élection comme maire d’Istanbul, finalement obtenue de haute main lors d’un 2d scrutin. Le parti du maire, qui dénonce depuis des mois le « harcèlement judiciaire » à son encontre, a fustigé un « coup d’Etat » contre l’opposition et « notre prochain président ».
Une contestation inédite depuis 2013
L’arrestation du maire d’Istanbul suscite depuis mercredi une contestation inédite en Turquie depuis le massive mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la residence Taksim d’Istanbul.
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Istanbul dimanche soir, pour la cinquième soirée consécutive. D’importantes manifestations ont en outre european lieu à Ankara et Izmir notamment.
Au total, des rassemblements se sont déroulés cette semaine dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l’AFP. Cette mobilisation, portée par la jeunesse, dépasse largement le form d’Ekrem Imamoglu, constatent les observateurs.
Face à cela, les autorités turques ont demandé à X la fermeture de plus de 700 comptes d’opposants, a annoncé ce réseau social.