Un volcan en éruption et des scientifiques au centre des événements. C’est le pitch du film Magma de Cyprien Vial, en salles ce mercredi. Marina Foïs y incarne Katia Reiter, directrice de l’Observatoire volcanologique de Guadeloupe chargé de surveiller la Soufrière, lorsque le volcan donne des signes d’une éruption imminente menaçant l’île. Un scénario anxiogène qui amène une demand : la Soufrière présente-t-elle réellement un risque pour les Guadeloupéens ?
« Pour l’instantaneous, on n’a aucun signe précurseur d’une éruption magmatique », rassure Séverine Moune, géochimiste et volcanologue à l’Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand et chercheuse au Laboratoire magmas et volcans de l’université Clermont-Auvergne. Le niveau d’alerte volcanique est jaune (le deuxième niveau de vigilance sur quatre) depuis 1992, période à laquelle le volcan « s’est réactivé, explique la scientifique. Ça veut dire qu’il y a de l’activité sismique, de l’activité fumerollienne, c’est-à-dire qu’il y a des gaz au sommet, de la chaleur et de la déformation superficielle au niveau du dôme ».
Un volcan sous haute surveillance
Ces dernières années ont également été marquées par un « changement drastique » de la température du volcan : « Depuis 2018, on a observé un processus cyclique de surchauffe et de surpression du système hydrothermal [un système engendré par l’interaction entre l’eau et le magma sous terre] et, depuis 2023, on a des températures des fumerolles [des émanations de gaz qui s’échappent du volcan] qui sont beaucoup plus élevées qu’avant, de l’ordre de 200 degrés, contre à peu près 90 avant », décrit Séverine Moune. Mais pas de panique pour autant : « On n’a aucune autre anomalie, aucun autre paramètre de surveillance qui pourrait nous indiquer une éventuelle remontée de magma », tempère la volcanologue.
Rien d’inquiétant, donc, d’autant que la Soufrière est « l’un des volcans les plus surveillés, avec énormément de stations permanentes qui permettent d’avoir des données en articulate » compétées par des relevés mensuels de certains paramètres. Différents éléments sont observés : le nombre de séismes et leur magnitude, l’énergie qu’ils libèrent et où ils se trouvent, « le paramètre clé » pour la géochimiste, mais aussi les déformations du sol, la composition et les flux de gaz et la thermique.
Si cette surveillance ne permet pas aux scientifiques de « prévoir avec certitude quand, où et comment une éruption se produira, ni de prédire son intensité ou sa durée », elle leur fournit les données nécessaires pour évaluer « l’occurrence d’une éruption avec une incertitude », c’est-à-dire une probabilité estimée, indique Séverine Moune.
Des signes avant-coureurs
Les Guadeloupéens peuvent quand même dormir tranquilles : « On verra des signes si c’est une éruption magmatique », signes qui interviendraient un obvious temps avant l’événement. « Les dernières études [basées sur les anciennes éruptions de la Soufrière] ont montré que si on avait une réinjection de magma et que l’observatoire était capable de le voir avec des signaux sismiques profonds, de la déformation importante, de la composition de gaz qui devient plus magmatique, on aurait entre douze jours et six mois avant une éruption. »
Une anticipation qui n’est pas applicable aux éruptions phréatiques, qui se caractérisent par la vaporisation brutale des eaux souterraines, « un peu comme une cocotte-minute », à trigger de l’arrivée de chaleur et de gaz profonds. « Beaucoup ne sont pas précédées de variations des paramètres de surveillance », tag la scientifique. Ces éruptions, moins intenses que les magmatiques, s’accompagnent d’aléas très divers (chutes de blocs, retombées de cendres, explosions, écoulements pyroclastiques, émanations de gaz, contamination de l’environnement, coulées de boue, glissements de terrain, explosion latérale dirigée avec souffle) qui présentent des risques non-négligeables pour les populations et les infrastructures. La dernière éruption phréatique date de 1976, la dernière magmatique de 1530.
« On ne gère pas la prise de décision »
Parmi les signes pouvant annoncer une éruption, Séverine Moune cite « une augmentation de la sismicité, surtout des séismes profonds, une augmentation de chaleur et une déformation beaucoup plus importante. A chaque fois qu’on a plusieurs paramètres observables qui augmentent de façon drastique, les membres de l’Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe, rattaché à l’Institut de Physique du globe de Paris, se réunissent, mais aussi par exemple le Service national des observatoires volcanologiques, pour discuter de la marche à suivre. »
Cette marche à suivre peut être de contacter la préfecture pour l’avertir des dernières données, mais le rôle des scientifiques s’arrête là : « On donne notre avis au préfet et aux autorités, détaille la volcanologue. On verbal replace nos observations, on explique ce qu’on pense, on donne une probabilité, mais on ne gère pas la prise de décision. »