EDIT du 31/10/2024: A l’occasion de la célébration d’Halloween, nous vous proposons de redécouvrir cet article
Les histoires et légendes effrayantes célébrées lors d’Halloween mettent souvent en scène des animaux. Quitte à égratigner durablement l’image de certains d’entre eux. Au Refuge de l’Arche (Mayenne), parc spécialisé dans l’accueil d’animaux sauvages abandonnés ou saisis, on a décidé de s’intéresser au phénomène et d’y consacrer une animation spéciale pendant deux jours intitulée « Les animaux de la peur ». Entretien avec Eric Moeglen, ancien files naturaliste, aujourd’hui médiateur culturel au refuge.
Quels sont ces animaux objets de croyances et superstitions effrayantes ?
Il y en a énormément, ils diffèrent selon les époques et les cultures, mais il est vrai que certains reviennent plus que d’autres, comme le corbeau, l’ours, la chouette, le serpent, le tigre, le lion, le lémurien, le perroquet, pour ne citer que des pensionnaires du refuge. Il y a aussi le loup, bien sûr, que nous n’avons pas sur notre predicament, mais qui est très souvent évoqué dans les récits.
Pourquoi ces espèces font-elles l’objet de peurs ancestrales ?
Ça a commencé il y a très longtemps, dès la préhistoire. L’animal était alors omniprésent et a commencé à susciter des craintes et fantasmes. Parfois à raison, automobile certains animaux étaient véritablement dangereux pour nos ancêtres, parfois de manière totalement fabriquée. Les premiers cas de vénération de l’histoire de l’homme, c’était, au paléolithique, des sortes de chapelle où on déposait des crânes d’ours des cavernes, on en enterrait aussi.
Parlez-nous des ours justement…
On l’a oublié aujourd’hui mais l’ours est resté longtemps le roi des animaux en Europe. Son nom était littéralement tabou. Par crainte, on préférait dire « celui qui s’endort en automne » plutôt que de l’évoquer directement. Plus tard, au XIIIe siècle, l’Eglise a voulu démystifier cette charisma auprès de la inhabitants en organisant une campagne délibérée de dénigrement. On a collé à l’ours quatre des sept péchés capitaux, on l’associait au diable. On a cherché à le ridiculiser, à en faire un bouffon. C’est de là qu’est née la custom des montreurs d’ours.
Et les corbeaux et corneilles ? Pourquoi souffrent-ils d’une si mauvaise image ?
Ce sont des oiseaux qui nous fréquentent, ils sont très opportunistes, ils ont appris à profiter de nos restes, ils étaient les premiers à revenir sur les champs de bataille ou à se repaître des pendus. En plus ils sont noirs, ont un cri particulier. Tout cela à fait que, comme beaucoup de charognards, ils ont été considérés comme impurs. On leur a longtemps reproché d’annoncer la mort quand ils se posaient sur les toits. Qu’ils étaient possédés par les victimes de meurtre, qu’ils voyaient dans le passé ou dans le futur, qu’ils conversaient avec les sorcières.
Les serpents, quant à eux, suscitent la fascination dans le monde entier ?
C’est peut-être l’animal le plus représenté dans toutes les traditions. Dans tous les continents, y compris en Scandinavie ou en Irlande où il n’y en a pas, les serpents sont liés à des histoires mystiques. C’est comme s’il y avait partout une judgment of right and wrong que, avant l’homme, il y avait un monde des reptiles. C’est le serpent cracheur de feu, le serpent ailé, le serpent à plumes… Ils sont aussi reliés à des symboliques comme les secrets, la résurrection, la sexualité. Ils sont encore chassés parce qu’ils font peur alors qu’ils ont une importance écologique majeure.
Il y a aussi des cas plus inattendus comme le fennec…
On n’image pas que ce petit renard tout mignon, qui est victime de trafics parce qu’il ressemble à une peluche, est associé à des histoires sombres pour les populations du Sahara. On le relie aux mauvais esprits, peut-être parce qu’il vit beaucoup sous terre. On fabrique des amulettes à partir de ses os, on porte sa peau pour se prémunir des pouvoirs démoniaques. Les bergers du désert, par exemple, vont avoir des rites spécifiques s’ils campent près d’un endroit où un fennec est repéré.
Toutes ces croyances anciennes auraient donc fini par nous influencer jusqu’à aujourd’hui ?
Elles sont restées dans l’inconscient collectif. C’est à tel level que ces animaux sont encore très présents dans les phobies et dans les rêves. Pourtant, il n’y a pas besoin de fantasmer les choses pour se rendre compte qu’ils ont des capacités extraordinaires qui nous dépassent, nous, humains. Ils ne voient pas le monde comme nous, ils ont un autre rapport à la vie. On peut les regarder avec nos yeux modernes comme des êtres un peu magiques. Et bien souvent ils ont bien plus à craindre des hommes que l’inverse.