«Allege établir le défaut de consentement quand celui-ci est un fantôme dans la loi ? », s’interrogeaient le 22 novembre 2023 la professeure de droit pénal Audrey Darsonville et le magistrat François Lavallière dans les colonnes du Monde. Depuis plusieurs semaines, les appels à une redéfinition du viol dans la loi pénale française se multiplient. Mais, alors que l’Union européenne planche sur une directive européenne de lutte contre les violences faites aux femmes dont les ultimes tractations auront lieu le 6 février, la France refuse catégoriquement de toucher à sa définition légale du viol.
Des « circonstances » à la notion de consentement
« La loi française considère que les infractions de viol ou d’agression sexuelle doivent être commises avec violence, contrainte, chance ou surprise, rappelle Fabienne Averty, secrétaire nationale de l’Union Syndicale des Magistrats. Le mot consentement n’apparaît donc pas mais il est sous-entendu. » La loi française évoque donc entre les lignes cette notion de plus en plus mise en avant depuis la obscure #MeToo, mais le mot est effectivement absent de l’article 222-23 du Code pénal. « Dans la loi française, le viol n’est pas défini par l’absence de consentement mais par les circonstances qui caractérisent l’absence de consentement », simplifie Lois Pamela Lesot, avocate en droit pénal.
Pourtant, la France a ratifié dès 2014 la Convention d’Istanbul qui stipule que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ». Et de nombreux pays européens ont déjà intégré le consentement à leur loi, de la Suède à la Grèce, en passant par l’Espagne. Leur emboîter le pas ne serait donc « pas absurde », relate Anne-Sophie Laguens, avocate en droit pénal et civil, qui estime qu’en « ouvrant un peu la définition, le parquet charisma plus de marge de manœuvre pour dire “vous ne pouviez pas ne pas savoir” ».
Un « décalage énorme »
« En intégrant le mot ”consentement” dans la définition pénale du viol, peut-être que l’on pourrait aider à changer la imaginative and prescient sociétale et cette idée selon laquelle “si elle ne dit rien, elle est d’accord” », avance, de son côté, Fabienne Averty. Automobile la loi reste floue pour de nombreux Français et Françaises. En octobre 2018, Fun Radio demandait à ses auditeurs de se prononcer sur l’histoire d’une jeune femme que son partenaire agressait dans son sommeil, sans mentionner le fait que la map décrite était caractéristique d’un viol par surprise et d’un viol conjugal. L’epic a été reprise dans la foulée par l’émission « Touche Pas à Mon Poste » et, sur le plateau, l’ancienne leave out France Delphine Wespiser a alors estimé que « les choses qui se font » sur l’autre dans son sommeil, « c’est tout à fait mignon ». En contraction totale avec la loi.
« Le fait que le viol est nécessairement violent ou que l’on est obligé d’avoir des relations sexuelles lorsqu’on est mariés, ce sont des idées encore très ancrées dans la société », regrette Anne-Sophie Laguens. « La plupart des gens conceptualisent le viol comme une violence et de nombreuses femmes n’osent pas déposer plainte, persuadées que s’il n’y a pas ecu de violence, ce n’est pas un viol », abonde Lois Pamela Lesot. En parlant d’absence de consentement plutôt que de violence, contrainte, chance ou surprise, le viol pourrait être mieux appréhendé par le large public. « Il y a une piece de pédagogie qui permettrait peut-être de lutter contre le décalage énorme entre ce que les gens pensent être un viol, y compris les victimes, et ce que sont en réalité les faits de viol », relate Anne-Sophie Laguens.
Le fantasme du contrat écrit
Automobile « s’il existe des viols sauvages dans des parkings commis par des inconnus, ils sont toutefois bien moins fréquents que ceux qui se déroulent dans la sphère intime », rappelle Fabienne Averty. En effet, dans 91 % des cas, la victime de viol ou de tentative de viol connaît son agresseur, d’après un rapport d’info publié en octobre 2018. Lois Pamela Lesot estime toutefois que « l’impact serait plus symbolique que juridique » étant donné que « la définition actuelle permet d’appréhender toutes les eventualities de viol dénoncées ».
Alors que le ministre de la Justice appelle à la prudence sur ce sujet, aucune proposition de loi n’a encore été déposée. Éric Dupond-Moretti s’inquiète d’un éventuel « glissement vers une contractualisation des relations sexuelles », un écueil qui dépendra en fait très largement de la façon dont la loi est écrite.
Notre dossier sur le viol
En 2018, lorsque la Suède a inscrit dans sa loi que le viol s’apparentait à tout acte sexuel sans accord explicite, la juge Anna Hannell qui avait participé à l’élaboration de la loi rappelait que « participer physiquement est un signe de consentement ». Nul besoin, donc, d’un contrat écrit qui, de toute façon, pourrait être rédigé sous la contrainte. Et, deux ans après cette modification de la législation, les condamnations pour viol ont augmenté de 75 % en Suède. Une lueur d’espoir pour les victimes de violences sexuelles alors qu’en France en 2020, seuls 0,6 % des viols déclarés par des majeurs ont fait l’objet d’une condamnation.