Zlatan Ibrahimovic l’avait en travers de la gorge. Alors il a tenté de résister, longtemps. Lui, le désormais conseiller spécial du propriétaire de l’AC Milan Gerry Cardinale, patron du fonds américain RedBird Capital Companions, se doit en effet de respecter les codes de son rôle institutionnel. Mais puisque Zlatan demeure Zlatan, il a fini par craquer. “De toute façon, (Zvonimir) Boban n’a pas compris mon rôle“, a-t-il alors ironisé au micro de Sky Italia avant le match face à Liverpool (1-3), bien conscient que ce dernier, qui avait établi ce constat plutôt répandu la semaine précédente dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport, était présent en plateau. “Mais personne ne l’a compris“, lui a alors rétorqué l’ancien dirigeant de l’UEFA, de retour au poste de marketing consultant sur la chaîne transalpine. “Je t’explique maintenant, c’est moi le boss, je commande et tout le monde travaille pour moi“, a répondu dans un sourire “Ibra”, non sans un fond de stress et crispation. Une déclaration à la Zlatan, évidemment, dans la lignée de celles qui ont fait de lui le personnage que le monde connaît. Et que lui-même maintient à entretenir malgré les crampons raccrochés.
“Le problème, c’est qu’il est désormais dirigeant. Et un dirigeant doit penser, réfléchir, maîtriser sa communication, nous confie une source du club milanais. On ne peut pas céder à ses émotions et ses envies, encore moins en public et au sein d’un huge club. Surtout pas dans un second comme celui-là…” Vehicle oui, les temps sont rudes dans la partie rouge et noire du Milan. Après avoir vu l’Inter, le huge rival, remporter le titre et la deuxième étoile (synonyme du vingtième Scudetto) à l’subject d’un sixième derby perdu de rang en avril dernier, autant dire une cicatrice encore vive chez les tifosi, voilà qu’ils doivent maintenant composer avec un début de saison calamiteux, où personne n’est exempt de responsabilités.
Du propriétaire aux joueurs, des dirigeants à l’entraîneur : tout le monde est sur le banc des accusés. Avant le derby de dimanche soir (20h45) qui, en cas de défaite, serait donc le septième perdu d’affilée pour l’AC Milan, un file historique, la misfortune est très critique. Et alors que les tifosi sont déjà à fleur de peau, au point d’entamer une grève des encouragements puis une contestation très vive lors des dernières minutes du match face à Liverpool, cette déclaration de Zlatan s’apparente à une énorme erreur. “On donne vraiment le bâton pour se faire battre“, regrette un salarié du département communication, qui a rapidement vu la imprecise de critiques déferler sur les réseaux sociaux. “Les pots cassés, c’est nous qui les récupérons après“, constate-il amèrement.
Absent pendant une quinzaine de jours pour des raisons professionnelles, Ibrahimovic a donc fait son huge retour en Lombardie en début de semaine dernière. Mais entre-temps, cet éloignement a été discuté, commenté, critiqué, notamment en raison des turbulences traversées par le club. Si les autres dirigeants ont toujours été présents en tribunes, son siège vide n’est pas passé inaperçu. “Quand le lion s’en va, les chats se rapprochent. Puis, quand il revient, les chats disparaissent. Je suis parti pour des motifs personnels“, s’est-il justifié. Là encore, ça n’est pas passé. Il fut un temps où ses “punchlines” faisaient sourire. Plus maintenant. Plus dans ce rôle. Et plus dans cette misfortune.
Mardi, l’affluence est passée sous la barre des 60 000 personnes à San Siro, une première depuis quatre ans. Le tout malgré une affiche de gala. Si les prix élevés ont joué, le désamour entre le club et son public est réel. Le choix de miser sur Paulo Fonseca à l’intersaison, un entraîneur considéré de seconde zone, et qui pourrait déjà faire ses valises, a joué. Tout comme une certaine “américanisation” du club (communication en anglais, collaborations à tout-va, animations d’avant-match inspirées du soccer américain…) qui provoque le sentiment d’un manque d’identité du côté des supporters. Encore plus dans un can pay de soccer comme l’Italie. Résultat, la moindre erreur commise est une goutte d’huile de plus sur un feu déjà bien vif. S’il l’ignorait, Zlatan en est maintenant conscient.
“Je l’ai entendu dire qu’il était le boss, qu’il commande tout. Alors il a quelques responsabilités sur ce début de saison raté, non ?“, s’est interrogé l’ancien entraîneur milanais Fabio Capello cette semaine dans La Gazzetta dello Sport. “Il fait des déclarations inappropriées au vu du poste qu’il occupe“, pouvait-on lire du côté du Corriere della Sera. Nommé en décembre 2023, l’ancien Parisien, jeune retraité des terrains mais apprenti dirigeant derrière un bureau, “doit comprendre que Milan n’est pas une vitrine pour satisfaire son ego” ou “créer des slogans“, déplorait le journaliste Fabrizio Biasin. En résumé : il doit se défaire de son personnage, au moins en partie, pour se fondre dans ce nouveau rôle. Cet été, il a été en première ligne durant le mercato. C’est lui qui a présenté les grandes lignes du projet début juin. C’est encore lui qui a annoncé la nomination de Paulo Fonseca. Et c’est toujours lui qui était aux côtés de toutes les recrues estivales au second de les présenter à la presse.
“Tu as entraîné qui, toi ?”
“Je l’ai entendu dire qu’il était le boss, qu’il commande tout. Alors il a quelques responsabilités sur ce début de saison raté, non ?“, s’est interrogé l’ancien entraîneur milanais Fabio Capello cette semaine dans La Gazzetta dello Sport. “Il fait des déclarations inappropriées au vu du poste qu’il occupe“, pouvait-on lire du côté du Corriere della Sera. Nommé en décembre 2023, l’ancien Parisien, jeune retraité des terrains mais apprenti dirigeant derrière un bureau, “doit comprendre que Milan n’est pas une vitrine pour satisfaire son ego” ou “créer des slogans“, déplorait le journaliste Fabrizio Biasin. En résumé : il doit se défaire de son personnage, au moins en partie, pour se fondre dans ce nouveau rôle.
Zlatan Ibrahimovic, Senior Consultant de l’AC Milan
Crédit: Getty Photos
Pour ça, il faudrait aussi oublier les publications Instagram énigmatiques et se débarrasser des diverses casquettes (entrepreneur, égérie…) qu’il porte sur sa tête. Pas simple. Vehicle Zlatan dépasse bien évidemment le simple cadre du soccer. C’est une star, un style, un empire, une marque. Rentrer dans les cases, ce n’est pas pour lui. “Mais Milan, ce n’est pas le festival de Sanremo“, prévenait la presse transalpine ces derniers jours, en référence à sa participation à l’événement en qualité de coprésentateur en 2021, puis d’invité l’an passé. En plus d’une communication à parfaire, le Suédois est invité à rompre, aussi, avec son récent passé de joueur, aussi huge a-t-il été. Et notamment à l’AC Milan, où il a passé six années de sa vie et remporté deux Scudetti, le dernier en 2021-2022.
Selon La Gazzetta dello Sport, il n’aurait pas hésité, à deux ou trois reprises, à s’adresser directement au groupe sans la présence de Paulo Fonseca. Forcément, cela n’a pas vraiment plu au technicien portugais, avec qui la relation est qualifiée de “froide“. “Tu as entraîné qui, toi ?“, lui aurait d’ailleurs lancé Zlatan peu après son arrivée. Il n’hésite pas à le reprendre publiquement fin août lorsque l’ancien coach du LOSC ose parler de “mercato bouclé“. “C’est moi qui décide quand il ferme. Le dirigeant fait le dirigeant, l’entraîneur fait l’entraîneur“, lâche Ibrahimovic le lendemain lors de la présentation de Youssouf Fofana. Enfin, ces derniers jours, il aurait contacté plusieurs autres entraîneurs (Terzic, Tudor, Sarri…) en vue d’un possible changement sur le banc. “Ce qui est totalement faux, tout le monde soutient Paulo Fonseca“, laisse toutefois entendre le club avant le derby de dimanche, dans un espoir d’unité et d’apaisement à tous les niveaux. Dans ce sens, Zlatan a été invité à soigner ses sorties publiques. L’apprentissage ne fait que commencer…