Le blocage inédit du réseau social TikTok a été levé mercredi en Nouvelle-Calédonie, toujours sous couvre-feu et dont les touristes continuent de repartir au compte-gouttes, après deux semaines de violences qui ont fait sept morts et obligé la France à déployer 3.500 policiers et gendarmes.
“Pour faire suite à la fin des mesures d’état d’urgence (…), l’interdiction de la plateforme TikTok a été levée”, a indiqué le haut-commissariat de la République dans un communiqué, précisant toutefois que le couvre-feu reste en vigueur de 18H00 à 06H00 du matin.
“La situation en Nouvelle-Calédonie reste tendue”, a estimé le Premier ministre Gabriel Attal mercredi après-midi devant les députés. “Un rien, une étincelle peut suffire à ce que les violences reprennent plus fort”, a-t-il prévenu.
Le parquet de Nouméa a annoncé l’ouverture d’une enquête pour violences visant trois policiers municipaux de la ville, mis en cause par une vidéo, très partagée sur les réseaux sociaux, où l’on voit l’un des agents asséner “un violent coup de pied à la tête d’une personne, en position assise sur le sol, venant d’être interpellée”.
Les premières investigations permettent de situer les faits dans la nuit de samedi à dimanche après “l’interpellation de plusieurs auteurs présumés d’une tentative de vol”, selon le procureur Yves Dupas.
La Nouvelle-Calédonie, archipel français du Pacifique Sud comptant 270.000 habitants, est engagée depuis 1998 dans un processus d’émancipation de la tutelle française.
Le vote à Paris d’une réforme constitutionnelle élargissant le corps électoral, accusée par les indépendantistes de marginaliser la population autochtone kanak, a déclenché la plus grave crise politique depuis les années 1980, accompagnée de violences, pillages, dégradations et barrages routiers.
Pour renouer le dialogue entre indépendantistes et loyalistes et trouver une issue politique à la crise, le président Emmanuel Macron a installé la semaine dernière une mission d’experts.
Devant l’Assemblée, Gabriel Attal a exprimé mercredi sa “conviction” qu’”un dialogue est possible, qu’un accord global est accessible”.
“On ne va pas bouger”
A Apogoti, en banlieue de Nouméa, quelques militants à l’air fatigué filtraient mercredi le passage des automobilistes sur un barrage encore fumant, a constaté une journaliste de l’AFP.
Pour se rendre à Bouloupari, plus au nord, il faut passer par l’un des innombrables check-points gardés par de jeunes gens, tantôt souriants, tantôt zélés.
“On ne va pas bouger, on va rester ici”, explique Bradley, 22 ans, posté avec quelques militants au milieu de la route qui mène de La Foa à Bourail, le visage dissimulé par une étoffe noire, une serviette sur la tête.
“Nous, on lâche rien, non au dégel électoral, la lutte jusqu’au bout. On reste sur la route, on reste sur les barrages, on ne bouge plus”, ajoute-t-il.
Les forces de l’ordre s’emploient toujours à dégager les routes et rétablir l’ordre, alors que de nombreux Calédoniens se plaignent de difficultés pour se ravitailler et aller travailler.
Depuis le début de la crise, 136 policiers et gendarmes ont été blessés, et “535 individus ont été interpellés”, selon le haut-commissariat.
Sur l’axe stratégique menant à l’aéroport international de Nouméa – La Tontouta, “141 carcasses ont pu être retirées ces dernières 24 heures dans le secteur du Pont des Erudits” à Dumbéa, selon les services de l’Etat, qui indiquent que la sécurisation des communes de Païta et Mont-Dore, dans l’agglomération de Nouméa, se poursuit.
“Exonérations”
La vente d’alcool demeure interdite, tout comme le transport et le port d’armes.
En revanche, TikTok et ses nombreux posts et raps indépendantistes improvisés a pu reprendre une diffusion normale.
Pour la première fois en France, le réseau avait été coupé pendant quinze jours, une mesure controversée et attaquée en vain devant le Conseil d’Etat par des associations de défense des libertés.
Le gouvernement avait considéré le réseau social, propriété de la société chinoise ByteDance, comme un des vecteurs de communication préférés entre les émeutiers.
L’aéroport de Nouméa – La Tontouta, fermé depuis le 14 mai, reste fermé aux vols commerciaux jusqu’à dimanche au moins.
Les autorités s’activent néanmoins pour évacuer les touristes français et étrangers dont déjà plus de 1.600 sont repartis en six jours, selon le Haut-Commissariat qui précise donner une priorité “sur critères de santé”.
Des efforts sont faits pour également permettre aux résidents calédoniens et aux personnes originaires des autres îles du Pacifique, Polynésiens et Wallisiens, de rentrer chez eux.
La grave crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie est également économique. Pour y faire face, le gouvernement calédonien a proposé mercredi d’aménager certaines règles, notamment en matière fiscale.
“Il pourra y avoir des exonérations de cotisations sociales, de l’activité partielle et évidemment du soutien financier avec les collectivités locales pour les secteurs économiques qui ont été touchés”, a indiqué de son côté Gabriel Attal.
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